Côté offre, les «nouveaux mécanismes» internationaux ne seront pas opérationnels avant quelques années. Côté demande, à court terme, la demande en crédits MDP et MOC dans un cadre multilatéral n’est pas assurée. Par ailleurs la demande issue de l’EU ETS va drastiquement se réduire: les crédits issus de projets enregistrés après 2012 ne seront plus acceptés, sauf s’ils sont issus des Pays les moins avancés, et la limite quantitative d’environ 1,6 milliard de crédits sera rapidement… limitante. Et parmi les autres marchés en développement, aucun n’est dimensionné pour prendre le relai comme locomotive des projets MDP et MOC.
À Durban, l’Union européenne (UE) peut défendre deux propositions afin de raviver l’intérêt des mécanismes de projet pour les investisseurs.
1. Confirmer la poursuite des mécanismes de projet du protocole de Kyoto après 2012, indépendamment d’une deuxième période d’engagement
La génération de crédits MDP semble pouvoir se faire sans échéance de fin; la génération de crédits MOC pourrait se poursuivre au moins jusqu’à 2015, échéance ultime de mise en conformité des États dans le cadre de la première période d’engagement du protocole de Kyoto.
Cette proposition permettrait d’éviter trois écueils:
perdre une expérience accumulée depuis 10 ans. L’expérience des instances de régulation, des États et des acteurs privés impliqués (investisseurs, porteurs de projets, auditeurs) a permis de réformer et d’améliorer les mécanismes, en particulier sur les deux dernières années.
démotiver le secteur privé. Chat échaudé craint l’eau froide: mobiliser le secteur privé pour contribuer à matérialiser les engagements de financement des pays développés deviendra difficile si le MDP et la MOC tournent court.
fragmenter les marchés. Après 2012, le lien entre les marchés nationaux ou régionaux sera assuré par les mécanismes de projet. Les mécanismes onusiens seront utiles dans une vision de long terme visant à rapprocher les différents systèmes. Leurs organismes de supervision pourraient dans ce cadre jouer un rôle de «fournisseurs de services» auprès des différents marchés du CO2 désireux de mettre en place des mécanismes de projets internationaux ou domestiques: c’est ce qu’ils ont fait jusqu’à présent pour l’EU ETS.
Une telle continuité donnerait par ailleurs du temps pour mettre en place la proposition suivante.
2. Favoriser en complément des accords bilatéraux avec des États ou des blocs régionaux
L’UE a prévu la possibilité d’accepter des crédits au travers d’accords bilatéraux avec des pays tiers. Ces accords seraient particulièrement intéressants avec des pays imposant des objectifs de réductions à leurs industriels, ou avec des partenaires proches de l’UE comme les pays méditerranéens non UE. L’acceptation de crédits issus de pays intermédiaires concilierait la volonté de l’UE de conserver son rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique, de développer une politique industrielle tournée vers l’exportation de technologies faiblement émettrices, et de maintenir le niveau d’exigence sur la quantité de crédits pouvant être acceptés dans le marché européen.
Un coup de poignard dans le dos du processus multilatéral? Que nenni. À court terme, ces crédits issus d’accords bilatéraux pourraient s’appuyer sur l’infrastructure onusienne, légitimant ainsi davantage le processus multilatéral. À moyen terme, les accords bilatéraux mis en place par l’UE pourraient permettre d’expérimenter les futurs «nouveaux mécanismes» envisagés dans le cadre des négociations internationales, qui peinent à se mettre en place opérationnellement. En cas d’expérimentation fructueuse, l’UE ferait au processus multilatéral un apport considérable.