Cette hausse des taux constitue à la fois un symbole (sortie des taux négatifs, et hausse la plus importante depuis plus de deux décennies) et une première étape. Elle devrait être suivie de nouvelles hausses de taux à partir de septembre, en fonction des données macroéconomiques, dans l’objectif de ramener l’inflation vers 2% à moyen terme. A moins d’une récession qui ramène plus rapidement l’inflation dans cette zone, la BCE devrait donc procéder à plusieurs hausses supplémentaires d’ici décembre.
Les anticipations sur les niveaux des taux de la BCE pour fin 2022 ont ainsi augmenté à la suite de la réunion de la BCE: les marchés anticipent désormais un taux directeur à 1,2% à la fin de l’année. Sur les marchés obligataires, les taux souverains italiens à 10 ans – en hausse de 40 bps depuis la semaine – ont baissé de 10 bps à la suite de la conférence de presse de Christine Lagarde, et le rendement de l’OAT et du Bund ont aussi baissé de quelques points de base. Du côté des devises, la parité euro-dollar est revenue assez vite à son niveau pré-conférence (1,018) après avoir progressé pendant la conférence de Christine Lagarde. L’inflation anticipée à 10 ans (contenue dans le prix des obligations indexées) a convergé vers la cible à long terme de la BCE (2.07% en fin de séance), baissant de 5 bps sous l’effet combiné du durcissement monétaire et de la baisse du prix des matières premières énergétiques.
La création du «Transmission Protection Instrument» (TPI) est également une bonne nouvelle qui répond à la fois aux attentes des investisseurs inquiets de l’élargissement des spreads souverains et au nécessaire ajustement de la politique monétaire. En effet, le contexte d’inflation forte mais de ralentissement économique et d’écartement des primes de risque souveraines créait un dilemme de politique monétaire rendant caduque la précédente stratégie (une approche progressive par étapes avec arrêt des achats d’actifs puis hausses de taux très graduelles). Ce nouveau cadre implique en effet de procéder à la fois à des hausses de taux plus rapides tout en contrôlant les effets adverses d’une normalisation des taux sur les primes périphériques, en augmentant la capacité et la flexibilité d’achats d’actifs de la BCE.
La démission de Mario Draghi le jour même de la réunion de la BCE ajoute une source de tension et on peut supposer que l’écartement du spread italien (de 40 à 50 bps depuis le 20 juillet au matin) aurait pu être plus important sans l’annonce de la BCE. L’été et les élections de cet automne en Italie devraient entretenir l’aversion au risque et maintenir la volatilité de la dette italienne à des niveaux élevés
La façon dont le TPI a été présenté – et notamment ses critères d’éligibilité – vise à montrer qu’il ne remet pas en cause le Traité de l’UE et le statut de la BCE (pas de financement direct des Etats) et qu’il ne constitue pas une incitation au free-riding budgétaire, étant assorti de critères d’éligibilité sur l’absence de procédure pour déficit excessif. La référence nourrie aux articles du Traité envoie un message clair face au risque de contestation juridique des politiques d’achats d’actifs. Les critères d’éligibilité fixés (auxquels la BCE pourrait éventuellement se soustraire s’ils ne devaient pas constituer des conditions bloquantes mais des éléments d’appréciation) portent également en germe la mise à jour du Pacte de Stabilité dans la mesure où est aussi évoquée une clause de soutenabilité de la dette. L’incertitude demeure sur ce qui conduirait la BCE à déclencher l’activation du TPI et sur son ampleur.