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Trading haute fréquence : des retombées peu palpables pour l’investisseur individuel

Muriel Lacroix |

Les marchés financiers européens ont la caractéristique d’être fragmentés ; du pain béni pour les activités d’arbitrage entre marchés, où plus on est rapide plus on gagne...

C’est pourquoi les boutiques pour compte propre et les fonds alternatifs forts d'encours clients supérieurs à dix milliards d’euros se dotent d’outils propre à l'exercice du trading haute fréquence pour arbitrer avant les autres. Par ailleurs, les gros volumes d’ordres positionnés sur des marchés à l’ombre des réglementations profitent de cette puissante technologie pour être absorbés dans les meilleures conditions.

Cette déferlante technologique ne dessert t’elle pas cependant l’investisseur individuel accentuant la fracture entre « initiés » et simple particulier?

Quand le temps n’est plus de l’argent

A l’origine du trading haute fréquence, la dématérialisation des ordres devenus électroniques puis un système autonome programmé par algorithmes, le tout propulsé à une fréquence de l’ordre de la microseconde. La déferlante des opérations haute fréquence gagne 60% des transactions sur les marchés anglo-américains et 40% sur marchés européens. Les algorithmes développent des stratégies décisionnelles, tronquent les ordres volumineux en série de lots, permettent la réduction des frais de courtage, diminuent les erreurs d’exécution. Ceux basés sur le prix d’arrivée suivant la liquidité, le volume, la durée, l’impact sur le marché sont les plus courants La capacité novatrice des banques d’investissement n’a pas de limite lorsqu’il s’agit d’équiper les salles de marchés des derniers développements informatiques truffés d’algorithmes sophistiqués migrés par des scientifiques en physique nucléaire.

Les opérations de marché haute fréquence forcent les bases de données des banques : logiciels et matériels informatiques doivent s’adapter à cette nouvelle puissance d’information. L’automatisation permanente des processus sert aussi les portefeuilles titres dont les frontières s’estompent entre gestion classique, systématique et alternative. Les risques, la référence à un indice de marché pour battre sa performance sont autant de prétextes à développement d’algorithmes développés pour une gestion de portefeuille de plus en plus automatisée. Le couperet est tombé pourtant le 17 septembre 2010 : il est interdit de passer des « ordres éclairs » de marchés source d’inégalité entre intervenants et passible de délit d’initié compte tenu de l’aperçu privilégié sur le carnet d’ordres.

Alors quelles retombées pour vous cher lecteur ?

Nous avons interrogé François Bonnin, Président de John Locke, société spécialisée en gestion systématique : « il affirme ne constater aucun bénéfice des opérations haute fréquence pour les clients finaux. Sa société ne traite que des opérations de marchés avec un intervalle de temps de 10 minutes à 8 jours pour traquer les invariances avec comportements récurrents donc attendus ainsi que les périodes de consolidation à la hausse et à la baisse. L’utilisation de la haute fréquence reste selon lui le pré carré des très gros budgets. Franck Bardol fondateur de Diagonal Consulting spécialiste de mise en place d’automates en salle de marchés admet « le caractère autoréférentiel du trading haute fréquence qui augmente la volatilité et engendre des krachs.

L’activité haute fréquence s’avère inadaptée en cas de grands coups de marchés. Au contraire, elle excelle pour l’exploitation des faibles variations de marchés ». Cela sert seulement la gestion des positions de contrepartie des banques dans un objectif de couverture voire de spéculation sur des volumes mais pas les encours des clients finaux. Les contraintes de risques et de liquidité sont finement maitrisées, la performance cadrée et la démultiplication des valeurs -passant de 5 à 10 valeurs classiquement suivies à plus de 300- permet aux opérateurs de marchés haute fréquence de déployer de bien plus nombreuses stratégies les libérant de l’exécution au profit de la gestion et du contrôle. Jean-Philippe Bouchaud, physicien de formation, président de Capital Fund Management le plus gros fond alternatif indépendant français de taille mondiale déduit les phénomènes à grande échelle de ceux qui adviennent à l’échelle de la milliseconde : « un nouveau champ d’investigation sur les fluctuations de cours s’ouvre pour l’analyse statistique de ces flux ». « Les transactions haute fréquence améliorent la liquidité, rétrécissent les fourchettes achat-vente avec baisse du coût final pour le client. Elles permettent aussi l’exploitation de données de qualité exceptionnelle par l’autorité des marchés financiers pour un meilleur contrôle.

On reconnaît une utilité certaine du trading haute fréquence aux capacités démultipliées mais les retombées concrètes restent peu palpables pour l’investisseur individuel qui aimerait bénéficier lui aussi de cet effet de levier mais dont l’accès reste réservé à une clientèle d’institutionnel tout au plus.

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