Pour autant qu’il soit très diversifié, un portefeuille d’obligations peut encore dégager des performances ajustées au risque intéressantes.
Au vu de la faiblesse apparente de leurs performances les obligations font piètre figure lorsqu’elles sont comparées aux actions. A l’horizon d’un siècle ou davantage, l’existence de la prime de risque des actions est bien établie, à cette condition près, qu’elle exige une présence ininterrompue sur le marché. Pour ce qui est des obligations, la stratégie qui contente de détacher annuellement des coupons paraît profondément ennuyeuse. Cependant, l’investisseur qui adopte une stratégie obligataire diversifiée peut obtenir des performances ajustées au risque intéressantes sur le long terme.
Vingt ans de nirvana
Considérons un horizon d’investissement pertinent qui aurait démarré le 1er janvier 1999, date de naissance de l’euro. Considérons également les performances de trois portefeuilles, conservateur, équilibré et dynamique. Pour ces portefeuilles obligataires, les performances annualisées des différents segments du marché européen exprimées en euros et calculées sur les vingt et une dernières années se présentent comme suit: emprunts d’Etat de l’UEM (4,52%), obligations d’entreprises (4,10%), obligations à haut rendement (5,35%). Pour les secondes, la prime de risque débiteur a été largement absorbée par l’absence de prime à terme, alors que pour les troisièmes, l’excédent de performance par rapport aux emprunts d’Etat s’accompagne d’une volatilité nettement plus élevée. Côté actions, la performance annualisée de l’indice MSCI EMU s’élève à 2,98%, voire 3,55% pour l’ensemble de l’Europe. En revanche, celle du S&P 500 exprimée en euros est de 6,78% et elle grimpe jusqu’à 8,78% pour le Nasdaq, un indice qui présente un fort biais technologique.
L’objectif des comparaisons de performance qui précèdent n’est nullement de remettre en question les avantages de l’investissement en actions. Ils sont évidents pour le marché américain, mais le sont nettement moins pour le marché européen. Ce qui apparaît tout aussi clairement dans les chiffres cités plus haut est que la gestion obligataire active a permis de dégager des résultats exceptionnels ces vingt dernières années. Les investisseurs avertis en ont pleinement profité, alors que le grand public n’en a pas été informé.
De la performance à portée de main
Aujourd’hui, bon nombre d’observateurs annoncent la fin de cette «belle époque» du marché obligataire. Voyons alors quelles seraient les performances de trois portefeuilles globaux dont les horizons d’investissement vont de 6,5 à 7,5 ans et qui sont diversifiés tant sur le plan des devises que sur celui de la qualité des débiteurs ou encore des marchés, notamment celui de la dette émergente. Le plus défensif d’entre eux affiche une performance de 1,1% et vise une volatilité réduite de l’ordre de 3,5%. Il est investi à hauteur de 76% en euros, 12% en dollars et 12% dans d’autres devises. Le portefeuille équilibré offre quant à lui une performance de 2,1% et il est véritablement diversifié au niveau mondial. Sa part en euros descend à 37%, alors que sa composante dollars grimpe à 25%, et le solde, soit 38%, est investi en devises émergentes et des marchés développés. Dans ce portefeuille, 20% sont alloués aux emprunts d’Etat en monnaie locale des marchés émergents et 14% aux obligations européennes à haut rendement. Sa volatilité cible se situe à 5% et la notation moyenne de ses débiteurs est «A», identique à celle du portefeuille défensif.
En ce qui concerne le portefeuille le plus dynamique, sa performance s’élève à 3,8%. Il est cependant exposé majoritairement, soit à hauteur de 67%, aux emprunts d’Etat en monnaie locale des marchés émergents. Sa pondération en obligations européennes à haut rendement est de 17% et celle en emprunts d’Etat des marchés développés de 16%. La notation moyenne de ce portefeuille dynamique tombe à «BBB» alors que sa volatilité cible monte à 6,5%. Tout ceci démontre que l’investissement en obligations n’est pas nécessairement ennuyeux: la performance est à la portée de chacun.
L’énigme de la pentification à venir
La plus grande crainte de l’investisseur taux fixes est celle d’une flambée des taux d’intérêt à long terme qui pourrait entraîner une correction temporaire de la valeur des portefeuilles obligataires. Ce recul serait néanmoins limité dans le temps, puisque compensé par le réinvestissement dans des titres offrant des taux plus élevés. En revanche, c’est sur les actifs risqués que l’impact d’une flambée des taux pourrait être le plus important. Leur cherté est en effet attribuée, souvent abusivement, au fait que les taux resteront bas et pour une longue durée.
Pourtant, la question essentielle n’est pas de savoir combien de temps encore les taux directeurs resteront négatifs ou proches de zéro. A l’heure actuelle, le marché anticipe que la BCE procédera à une hausse des taux de 10 points de base (pb) aux alentours du 1er trimestre 2026, tandis que la Fed le relèvera en été 2024. Autant dire qu’il s’agit d’une éternité pour de nombreux acteurs du marché. Par conséquent, la question-clé qui se pose aujourd’hui est de savoir comment s’effectuera la pentification de la courbe des taux dans un contexte de reprise économique, de taux d’inflation plus élevés et de forte incertitude. Compte tenu du soutien apporté par les banques centrales, la pression à la pentification devrait être limitée au cours des trimestres à venir, tel est du moins notre scénario principal. Par conséquent, plus le marché tardera à intégrer ce risque, plus la valeur du «roll down» sera élevée et, à moyen terme, ce dernier sera l’un des principaux vecteurs de performance des obligations.
Du 4% c’est possible
En conclusion, l’investisseur taux fixes dont l’horizon est raisonnable peut tabler sur une fourchette de performances allant de 1 à 4%, pour autant que son portefeuille soit diversifié sur l’ensemble des marchés obligataires. Moins il craindra les pics de volatilité et plus il acceptera de s’exposer aux emprunts d’Etat des marchés émergents ainsi qu’aux obligations à haut rendement, plus il pourra s’approcher d’une performance de l’ordre de 4%. Si l’investisseur vise une performance de 2% au travers d’un portefeuille plus équilibré et doté d’une meilleure notation, alors il devra exposer environ les deux tiers de ce portefeuille à des devises autres que l’euro. Enfin, le conservateur qui se contenterait d’une performance légèrement supérieure à 1% devrait néanmoins accepter de sortir de l’euro pour un quart des positions de son portefeuille.
Sur le marché financier, les miracles n’existent pas et les résultats de ces deux dernières décennies ne pourront pas être reproduits ces prochaines années, car les performances des marchés obligataires ont toutes été réduites du fait des interventions des banques centrales. Cependant, il reste possible d’échapper à cette «répression financière» en construisant des portefeuilles globalement diversifiés.