La force du franc suisse crée un obstacle pour les entreprises suisses en raison de leur caractère international. Le marché domestique étant limité à environ 8,7 millions d’habitants (soit à peu près la population de New York), les entreprises suisses doivent générer des revenus à l’international pour survivre. L’impact de la force du franc varie donc selon la taille de l’entreprise et sa dépendance au marché domestique. Les multinationales comme Nestlé ne sont que marginalement impactées, car seulement 1% de leurs revenus provient du marché suisse. Les entreprises de R&D comme les sociétés pharmaceutiques, fortement investies en recherche et développement, sont plus vulnérables aux fluctuations du franc mais parviennent dans l’ensemble à gérer cette situation.
La force du franc pose des défis aux entreprises suisses en rendant leurs exportations plus chères. Cependant, elles possèdent une caractéristique unique qui les aide à contrebalancer cet obstacle: une culture d’amélioration continue de leur productivité et de l’innovation. Chaque année, les entreprises suisses se fixent comme objectif d’augmenter leur productivité d’au moins 3%. En devenant plus efficaces et innovantes, elles augmentent ainsi leur compétitivité malgré le franc fort. Ceci place la Suisse est en tête du Global Innovation Index depuis 12 années consécutives. Cette culture explique pourquoi nous observons tant d’exemples d’entreprises solides et en croissance en Suisse qui bénéficient d’un pouvoir de fixation des prix unique. Cette volonté constante d’évoluer alimente l’innovation et crée un avantage concurrentiel. Les clients acceptent, dans une certaine mesure, des prix plus élevés aux entreprises suisses leader du marché qui proposent des produits ou des services à plus forte valeur ajoutée.
A contrario, les entreprises suisses proposant des produits de masse médiocres ont du mal à se différencier et à exercer un pouvoir de fixation des prix. Leurs clients peuvent facilement trouver des alternatives moins chères ailleurs. Ce sont ces entreprises qui sont le plus susceptibles de souffrir de la force du franc. Dans nos portefeuilles, nous privilégions les entreprises disposant d’un «moat» («rempart») ou avantage concurrentiel unique leur permettant une croissance durable. Ces entreprises devraient surperformer en 2024. Même après deux années d’inflation galopante, des noms comme Straumann, dans le secteur dentaire, ou le chocolatier Lindt & Sprüngli restent des leaders mondiaux capables de faire progresser leurs prix.
Un franc suisse fort peut également favoriser les acquisitions. Les entreprises disposant de réserve de trésorerie disponible peuvent tirer avantage de cette situation. Prenons l’exemple de Schindler Group, leader mondial dans le secteur des ascenseurs et escaliers mécaniques. Avec un cash net disponible de 2,5 milliards de francs, l’entreprise dispose d’une force de frappe importante car les acquisitions peuvent être faites à partir d’une base monétaire forte. Nous nous attendons à une augmentation des activités de fusion et d’acquisition des entreprises suisses cette année pour ces raisons.
Ainsi, même si les vents contraires liés au change sont forts, ils ne sont pas une surprise pour les entreprises suisses. Nous pensons que celles qui disposent d’un fort pouvoir de fixation des prix et de réserves de liquidités saines s’en sortiront bien malgré la force du franc. Les sociétés de croissance qui sont des “compounders” (sociétés qui génèrent une croissance composée) disposant d’un avantage concurrentiel («moat») seront en tête des sociétés les plus performantes.