La Banque Centrale européenne a finalement tenu bon face aux turbulences de ces derniers jours et confirmé une hausse de de ses taux directeurs 50 points de base (bps). Selon Christine Lagarde, il n’y a pas en effet d’arbitrage entre le risque de liquidité bancaire et la détermination à lutter contre l’inflation. Les outils existent pour stabiliser les marchés, permettant de maintenir des politiques restrictives.
Le risque de liquidité est pris au sérieux et semble contenu jusqu’à présent.
La chute de Silicon Valley Bank (SVB) et les difficultés des banques régionales américaines ont poussé la Réserve fédérale américaine à mettre en fonctionnement une nouvelle facilité de crédit pour alléger la pression sur les dépôts bancaires. A ce jour, les banques ont eu recours à ce mécanisme pour plus de 150 milliards de dollars, ce qui a permis de contenir, jusqu’à présent, le risque de contagion. Ces évènements ont néanmoins soulevé la problématique de poursuivre ou non la campagne de resserrements monétaire en cours. À la suite du discours de Christine Lagarde hier, il semble probable que ces turbulences soient jugées insuffisantes pour décourager les Banques centrales, le risque étant, pour le moment, non systémique.
L’exercice difficile de la politique monétaire.
Cet épisode nous rappelle la contrepartie d’un resserrement monétaire et les effets collatéraux particulièrement difficiles à identifier, d’autant plus qu’il fait suite à une création monétaire d’ampleur, conséquence de la crise sanitaire. Ce risque d’irréversibilité des politiques monétaires accommodantes est largement documenté par les économistes. La remontée des taux d’intérêt entraîne immanquablement une pression sur les dépôts bancaires dont la rémunération s’ajuste plus tardivement face à l’émergence de nombreuses alternatives d’investissement plus rémunératrices. Ainsi, cette campagne de remontée des taux a pour conséquence de réduire les dépôts bancaires au profit des fonds monétaires notamment. Par ailleurs, la remontée des taux aboutit inévitablement à une potentielle dégradation des actifs détenus au bilan des banques. C’est d’ailleurs ce phénomène qui amène les banques à se montrer plus conservatrices dans leur politique de crédit et contribue à la transmission de la politique monétaire vers l’économie réelle. Cela ne peut se faire néanmoins sans quelques secousses, qui, lorsqu’elles deviennent trop importantes, voire systémiques, contraignent les Banques centrales à revoir leur politique.
Les Banques centrales confirment le resserrement mais soutiennent la liquidité.
Mais aujourd’hui, les Banques centrales semblent décidées à maintenir leurs politiques restrictives. En effet, la dimension actuelle de l’inflation repose sur les salaires et les marges des entreprises, nécessitant de générer un freinage du cycle pour être résolue. Néanmoins, cela nécessite de piloter les risques de liquidité inhérents à ce processus. Aux États-Unis, la Fed a rapidement réagi avec cette nouvelle facilité de crédit destinée aux banques sous pression, qui a eu pour effet quasi-immédiat d’interrompre la réduction de la taille de son bilan en cours depuis plusieurs mois. L’efficacité de ces mécanismes devrait justement permettre de maintenir, voire de poursuivre, l’effort de resserrements monétaires entrepris, tout en évitant les périodes de stress financier intense comme en 2008. Il y a donc fort à parier que la Réserve Fédérale américaine confirme une hausse de ses taux directeurs de 25 bps lors de sa prochaine réunion.
Mais qui va payer?
Autre élément notable: la promesse de 11 grandes banques américaines de verser au total 30 milliards de dollars de dépôts dans First Republic Bank, en difficulté. Cette opération à laquelle participent les grandes banques américaines, indique une mutualisation des risques et une forme d’autorégulation des preneurs de risques, évitant la mobilisation des contribuables tout en réduisant l’aléa moral.
La récession sous contrôle?
Cette doctrine émergente de la part des Banques centrales est décisive car, si elle s’avère efficace, apparait comme un moyen d’éviter les crises financières d’ampleur du passé. Même si cet épisode rend particulièrement compliqué le scénario recherché d’atterrissage en douceur de l’économie, il pourrait aboutir à une récession contrôlée, apparaissant comme un passage nécessaire pour calmer les pressions inflationnistes. Il devrait du moins nous éviter une contraction importante et/ou prolongée de l’économie comme en 2008.