Nous constatons des pressions inflationnistes partout où l’on regarde. Avec une hausse globale des prix à la consommation de 6,2% en février, le Royaume-Uni vient de connaître la plus forte augmentation depuis 1992[1]. Des comparaisons historiques similaires semblent très probables la semaine prochaine, l’Allemagne publiant les chiffres préliminaires de l’inflation mercredi et la zone euro vendredi. Ces inquiétudes en temps de paix peuvent sembler banales, compte tenu de la terrible crise humanitaire en Ukraine. Par ailleurs, avant la pandémie de Covid, l’inflation était inconfortablement basse depuis près d’une décennie.
L’horrible guerre de Poutine contre l’Ukraine semble aggraver la situation, comme l’illustre un récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)[2]. La Russie et l’Ukraine sont des marchés relativement petits pour les pays de l’OCDE, mais elles jouent un rôle très important en tant qu’exportateurs de produits alimentaires, de minéraux et d’énergie. Les effets globaux sont susceptibles de provoquer une hausse de l’inflation dans la zone euro d’au moins 2% la première année et de 2,5% au niveau mondial, selon les simulations de l’OCDE.
En France au moins, l’inflation s’est plutôt bien comportée jusqu’à présent.
Il y a cependant certains pays de l’OCDE où les pressions sur les prix ont été et resteront probablement plus modérées. La France en est un exemple intéressant, comme le montre notre graphique de la semaine. Cette exception française pourrait avoir des implications politiques importantes, avec les élections présidentielles qui se profilent les 10 et 24 avril et les élections législatives prévues les 12 et 19 juin[3]. «Après les chocs pétroliers de 1973, la France a adopté l’énergie nucléaire comme principale source d’électricité», explique Ulrike Kastens, Economiste France chez DWS. Ce choix, associé à des approvisionnements diversifiés en gaz naturel liquéfié et à un régime réglementaire visant à éviter de fortes hausses des prix de l’électricité pour les ménages et les petites entreprises, a permis à la France d’éviter le type de choc énergétique que des pays comme l’Allemagne ont déjà connu cet hiver.
En partie à cause de cela, les chances de réélection du président Emmanuel Macron semblent de plus en plus incontestables[4]. De plus, son adversaire pour le second tour sera probablement la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, avec peut-être une petite chance pour que Jean-Luc Mélenchon, d’extrême gauche, batte MmeLe Pen pour la deuxième place. Tous deux ont traditionnellement entretenu des liens étroits avec le régime de Poutine et ont mis du temps à prendre leurs distances avec la guerre menée par ce dernier.
Ces deux scénarios de second tour seraient probablement de bon augure non seulement pour Macron dans la course présidentielle, mais aussi pour ses alliés lors des élections législatives de juin[5]. D’ici là, une autre priorité française de longue date pourrait bien trouver une nouvelle popularité auprès des électeurs français et étrangers: à savoir une autonomie alimentaire, via la politique agricole commune de l’Union européenne. En 2017, Macron s’est présenté comme un réformateur libéral. Mais au cours d’un second mandat, il pourrait bien faire prendre à la France et à l’UE une direction résolument gaulliste, en mettant davantage l’accent sur la sécurité alimentaire, la défense et l’intervention de l’État.