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Reprise d'entreprise : les bons plans pour dénicher un bon dossier

Reprendre une entreprise est un parcours du combattant, qui demande de la persévérance, de l’humilité et beaucoup d’énergie. Au cours d’une conférence organisée dans le cadre du Salon des entrepreneurs de Paris, Pascal Ferron, associé Baker Tilly France spécialisé dans la reprise d’entreprise, et Stéphane Meunier, conseiller transmission à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, ont expliqué les bons plans pour reprendre une entreprise.

Rappelons quelques chiffres pour situer le contexte, même si aucune statistique officielle n’existe à ce jour. Sur les trois millions d’entreprises en France, un tiers n’a aucun salarié. Sur les 200 000 entreprises qui ont plus de 10 personnes, si on enlève les TPE, les professions réglementées, les commerçants (où on achète davantage l’emplacement), les tout petits artisans, le nombre réel d’entreprises à reprendre fond comme neige au soleil. Le chiffre réel: 5 à 7000 transactions par an de PME-PMI sur la France entière.

> Un marché déséquilibré où les cédants ont la main

Les repreneurs sont beaucoup plus nombreux que les cédants. Le rapport est en moyenne d’un cédant pour cinq repreneurs. Par ailleurs, les repreneurs personnes physiques se retrouvent presque systématiquement en concurrence avec des personnes morales, qui ont l’avantage, aux yeux du repreneur, d’être plus fiables et plus solides financièrement. Pour Pascal Ferron, les repreneurs personnes physiques ont néanmoins toutes leurs chances, s’ils savent jouer sur le côté humain, créer une relation de confiance et persuader le cédant qu’ils sauront mieux que quiconque pérenniser et développer leur entreprise.

> Bien cadrer son projet

Définir sa recherche de cibles est plus subtil qu’il n’y paraît. D’autant plus qu’on engage 20 ans d’économies personnelles avec 20% d’informations disponibles sur l’entreprise! Car il est important d’être conscient que tant qu’on n’est pas dans l’entreprise, on ne la connaît pas. La «fiche de cadrage» doit éviter les stéréotypes «cadre dynamique plein d’enthousiasme avec un peu d’économies cherche belle PME à potentiel, pas trop chère». Elle doit être considérée davantage comme un prospectus de vente, qui va déclencher des prises de contact.
Un repreneur doit étudier plusieurs dossiers en même temps pour avoir des chances d’aboutir, et ne pas se projeter tant qu’il n’a pas signé.

> L’adéquation homme-projet

Pour cela, plutôt que de cibler des macro-secteurs économiques, le repreneur doit plutôt prendre le temps de faire une introversion et de se poser les questions suivantes: qu’est-ce que je sais faire le mieux? en quoi suis-je bon? en quoi suis-je moins bon? Par exemple, un repreneur qui avait identifié que la transformation de la matière était sa passion a très rapidement trouvé une entreprise à reprendre. Les repreneurs qui savent ce qu’ils veulent trouvent des dossiers.
Ensuite, un projet de reprise doit être un projet familial. Tout le monde doit être d’accord, conjoint et enfants, car souvent une reprise d’entreprise signifie un déménagement, un changement de mode de vie, des revenus qui baissent provisoirement.
Enfin, le repreneur doit savoir faire preuve d’humilité car lorsqu’il est en recherche, il n’est plus rien que lui-même - terminé le beau logo sur la carte de visite - et il doit bien avoir conscience que c’est le cédant qui va le choisir, et pas l’inverse. C’est d’ailleurs totalement antinomique, car, pour avoir la force morale de reprendre une entreprise, le repreneur doit avoir un ego bien affirmé, mais pendant ses recherches, il doit savoir le mettre de côté.
La première reprise en tant que personne physique est toujours la plus difficile. Ensuite, si le repreneur est un entrepreneur dans l’âme, il pourra faire du build-up, et là, reprendre une deuxième entreprise en s’appuyant sur la première sera bien plus facile.

> Le marché ouvert et le marché caché

Le marché ouvert, celui des cédants qui font savoir leur projet de cession, ne représente que 30 à 40% des transactions. Et de plus, c’est souvent un marché de «seconde main» car cela signifie qu’ils n’ont pas trouvé de repreneur dans leur environnement proche. Comment accéder au marché caché? En en parlant le plus possible, à tout le monde, autour de soi, en le faisant savoir. Dans tous les cas, en termes de méthode, il est essentiel de commencer par faire connaissance avec le cédant, et ensuite seulement d’analyser le dossier.
Le repreneur devra également décomplexer par rapport à son apport personnel. Selon Pascal Ferron: «Avec 100 000 euros, on peut déjà faire des miracles». La relation humaine qu’il saura créer avec le cédant peut faire tomber les barrières financières.

> Prévoir le budget en amont

Savoir gérer ses finances personnelles s’avère être la première épreuve du repreneur. Il aura généralement prévu un budget pour investir dans l’entreprise de ses rêves, mais il aura souvent moins prévu le temps qu’il devra «tenir» sans revenu: de quelques mois, prévus, jusqu’à deux ans, parfois, non prévus.
Et surtout, le budget en amont ne doit pas être sous-estimé. Pour une entreprise rachetée entre 600 000 et un million d’euros, ce sont 30 à 50 000 euros de frais divers et variés qui doivent être prévus. En tout cas, selon l’avis des experts présents, jamais moins de 25 000 euros. Et quand on sait que 4 négociations sur 5 échouent, il faut être conscient des frais engendrés à chaque fois. D’où l’importance de s’entourer de bons conseils, et de ne faire l’audit de l’entreprise qu’au dernier moment, pour valider l’étude préalable.

> L’intérêt des cabinets d’intermédiation

De deux choses l’une: soit le repreneur est un commercial hors pair, et il peut se lancer dans l’approche directe de dossiers de cession, en téléphonant aux entreprises qu’il aura ciblées, soit il ne l’est pas, et il vaut mieux confier la recherche à un tiers. Mais les cabinets d’intermédiation, il faut le savoir, préfèrent les repreneurs personnes morales, puisque leur intérêt est de vendre vite, et le plus cher possible.
Dans tous les cas, c’est au repreneur de rappeler, rappeler, et encore relancer pour faire avancer son projet.

> Le marché de la reprise d’entreprises en difficulté nécessite une solidité financière

Le marché de la reprise d’entreprises en difficulté est encore plus caché que le marché caché. Le piège: surestimer sa capacité à redresser l’entreprise. C’est souvent très difficile.
Surtout, reprendre une entreprise en difficulté suppose de disposer de 200% de fonds propres pour financer l’apport ainsi que le besoin en fonds de roulement. En effet, le financement bancaire est totalement fermé. Même pour acheter un véhicule, le repreneur devra l’autofinancer.

> Qu’est-ce qu’un bon dossier de reprise?

Un bon dossier de reprise est, d’abord, un dossier où le cédant est vraiment vendeur. De nombreux cédants se rétractent au dernier moment. L’âge de la retraite ne veut rien dire: c’est un entrepreneur, il peut travailler jusqu’à 90 ans s’il le souhaite. Pour déceler les véritables motivations du vendeur, il ne faut surtout pas se contenter de sa première réponse, mais le faire parler le plus possible. S’il a des projets après la cession, si vous sentez qu’il a commencé à s’organiser, c’est plutôt bon signe.
S’il n’en a pas encore, conseillez-lui de prendre des conseils, au minimum un expert-comptable et un avocat. Si l’expert-comptable arrive trop tard pour lui détailler le décompte exact de ce qui lui restera après impôts, le cédant risque de trouver l’opération beaucoup moins intéressante et se rétracter.
Le prix de vente sera généralement une moyenne entre le prix espéré par le cédant et celui proposé par l’acheteur. Pour reprendre, celui-ci disposera de ses fonds propres, du family office, de l’apport éventuel de fonds d’investissement, et de la capacité d’endettement de la société. Généralement, 60% du résultat net de l’entreprise peut être remonté à la holding pour le remboursement.

Compte tenu du fait que le dossier parfait n’existe pas, le plus important est de trouver une entreprise qui correspond à la fois aux capacités financières du repreneur et à ses capacités de management. Et, surtout, une entreprise pour laquelle, très rapidement, dès le début, le repreneur identifie du potentiel de développement.

Next Finance Février 2013
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