Jeudi 9 juin, les députés ont repoussé le plafonnement des rémunérations des dirigeants mais voté un amendement qui rend le vote des actionnaires contraignant en la matière. Ainsi, si cette dernière disposition avait été appliquée, Carlos Ghosn aurait vu sa rémunération automatiquement rejetée par le Conseil d’administration de Renault alors que ce dernier l’avait confirmé, fin avril, malgré le vote négatif des actionnaires de la firme au losange. Une décision qui avait relancé la polémique sur la rémunération des dirigeants des grandes entreprises.
Pour autant, Carlos Ghosn ne pensait probablement pas que ses 7,25 millions d’euros de rémunérations feraient plus de tapage médiatique que les 2,9 milliards d’euros de résultat net record du Groupe Renault pour l’année 2015. Le nom de M.Ghosn vient ainsi allonger la liste des patrons dont le comportement individuel donne le sentiment de mépriser les règles de gouvernance en matière de rémunération. De Philippe Jaffré (Elf) en 1999 à Michel Combes (Alcatel-Lucent) ou Bruno Lafont (Lafarge) en 2015 en passant par Antoine Zacharias (Vinci) en 2006, les exemples ne manquent malheureusement pas.
Face à cette situation, les politiques agitent la menace du texte de loi pour plafonner les rémunérations, menace pour le moment écartée, tandis que les organisations patronales (AFEP et MEDEF) tentent par tous les moyens de désamorcer la bombe législative.
Comme nous l’avions déjà indiqué dans un précédent point de vue («parachutes dorés»: il est temps d’encadrer sérieusement ces dispositifs), il convient de définir des règles précises, fixées à l’avance avec des conditions de présence et de performance précises, fondées sur la création de valeur durant l’exercice de leur fonction par les dirigeants, pour justifier les rémunérations versées lors de leur départ, et ce qu’elle qu’en soit la forme (bonus, attributions d’actions ou de stock-options, etc.).
Un risque de décisions préjudiciables pour l’attractivité de la France
Mais pour pouvoir réguler efficacement, il est urgent de définir la nature précise des rôles ou des fonctions payées par la rémunération. Chacun y va de son opinion morale, légale, logique ou autre sur le sujet mais personne ne prend le temps de revenir sur ce point. D’où une débauche de commentaires peu conclusifs et sans grand intérêt, mais avec le risque de décisions qui pourraient devenir préjudiciables pour l’attractivité de la France.
Une rémunération variable peut être la contrepartie de deux types de réalisation de la part d’un dirigeant: celles qui relèvent de la gestion de l’entreprise et celles qui relèvent de la création de valeur pour les actionnaires.
Or, ces deux sujets ne sont pas de même nature: la bonne gestion de l’entreprise s’apprécie à travers des variables financières (ratios de marge, génération de cash flows, niveau d’endettement, etc.) dont la performance varie d’une entreprise et d’une industrie à l’autre. Elles reposent toujours néanmoins sur des critères financiers opérationnels. Quant à la création de valeur actionnariale, elle se mesure par la performance du cours de bourse, soit dans l’absolu (le cours a monté et les actionnaires se sont enrichis), soit de manière relative (le cours de bourse a performé plus que celui d’un référent et les actionnaires ont donc fait mieux que le reste du marché).
Il devient alors beaucoup plus simple de définir la rémunération du dirigeant. D’une part, en identifiant les critères financiers opérationnels de référence qui permettront d’attribuer une rémunération variable au titre de la bonne gestion de l’entreprise. Par construction, cette rémunération doit s’exprimer en pourcentage de la rémunération fixe, comme c’est souvent le cas des rémunérations variables liées à la performance opérationnelle. D’autre part, en déterminant la quote-part de création de valeur que les actionnaires souhaitent partager avec le dirigeant en cas de création de valeur actionnariale. Par définition, un tel partage n’est pas lié à la rémunération fixe, même s’il est possible de réintégrer cette variable dans le calcul.
Les critères financiers permettent de calibrer une rémunération variable «classique», comparable par exemple à celle que peut recevoir un vendeur sur son chiffre d’affaires. La valeur actionnariale revient à associer le dirigeant au capital et il est alors nécessaire de définir à hauteur de quel pourcentage.