Les Hedge Funds mettent en œuvre tout un foisonnement de stratégies d’investissement plus ou moins complexes. Cette multitude de stratégies a d’ailleurs donné lieu à un classement des Hedge Funds par type de stratégies. Différentes grandes familles de stratégies peuvent ainsi être distinguées: Long/Short Equity, Merger Arbitrage, Convertible Arbitrage, Global Macro, Managed Futures. Il s’agit là des grandes familles, même si certaines bases de données distinguent d’autres types de stratégie, ayant un poids relativement négligeable. Il fauter noter tout de suite, que les performances et les risques pour les différents types de stratégies peuvent fortement différer, à tel point qu’on peut se demander s’il fait sens de parler des risques des Hedge Funds, sans pour autant rendre compte de la diversité des stratégies. Il est donc primordial de développer une bonne compréhension des stratégies mises en œuvre. Comme le titre l’indique nous allons, ici, nous focaliser la stratégie dénommée Long/Short Equity.
Tout d’abord, le Long/Short Equity est une stratégie assez répandue et on peut arguer cette stratégie est en ligne avec la philosophie même de la notion de Hedge, qui en passant, ne désigne pas le fait de spéculer, mais de se couvrir. L’idée principale du Long/Short Equity consiste à diagnostiquer des déviations de valeur sur le marchés et de vendre à découvert, donc prendre une position «short», l’actif surévalué pour ensuite acheter, c.-à -d. prendre une position «long», l’actif sous-évalué. L’opération est financée par la vente à découvert car les sommes encaissées peuvent être utilisées pour acheter l’actif sous-évalué. C’est là l’exemple type de ce que les économistes appellent un «self-financed portfolio», c’est-à-dire un portefeuille qui s’autofinance. Quel est l’impact des variations des actifs. En ce concerne la position «long», le rendement est positif lorsque l’actif en question s’accroît. La position «short», quant à elle, fonctionne de manière inverse. Le rendement est positif lorsque l’actif perd en valeur.
Comment fonctionne la technique de la vente à découvert? Tout d’abord, le gestionnaire cherche un actif qu’il pense être surévalué. En général, le gestionnaire compare différents actifs d’un même secteur d’activité afin d’aller «short» le surévalué et «long» le sous-évalué. Afin de limiter les risques le fonds diversifie selon différents secteurs d’activité. Afin de vendre à découvert, donc vendre des actifs que le gestionnaire ne détient pas, ce dernier doit emprunter les actifs à une partie tierce. En général, c’est le «prime broker» qui organise le prêt par un investisseur institutionnel. Pour des raisons de gestion des risques le «prime broker» demande un certain montant de collatéral afin de garantir la transaction. Par ailleurs, le gestionnaire doit payer un intérêt pour la période pour laquelle il maintient une position à découvert.
L’avantage des stratégies Long/Short c’est qu’elles peuvent donner lieu à diverses sources de rentabilité. Rappelons ici que les investisseurs cherchent à trouver des actifs qui sont mal évalués et que selon la théorie financière ceci générerait une performance anormale mesurée par «l’alpha». Si le funds choisit deux actifs dans le même secteur d’activité, alors les «betas», qui mesurent en fait la corrélation avec le marché et l’économie en général seront vraisemblablement équivalent pour les actifs. Un des actifs est supposé avoir un alpha positif alors que l’autre actif est supposé avoir un alpha négatif. Avec une position «long» il y aurait que la possibilité de prendre les gains avec l’alpha positif. Or, le fait de pouvoir vendre à découvert, c’est-à-dire que la perte de valeur de l’actif est transformée en un gain, permet de générer de l’alpha positif avec l’actif en question. On parle souvent de stratégie double alpha.
Il y a cependant d’autres sources de revenu qui peuvent s’avérer non-négligeables. La vente à découvert génère du cash et le broker applique alors un rabais sur l’intérêt que le gestionnaire est censé payer. Par ailleurs, le collatéral déposé chez le broker est aussi source d’intérêt. Enfin, pendant la période en question, des dividendes peuvent avoir été déboursés. Bien sûr, le gestionnaire du fonds perçoit les dividendes sur ses positions «long». Cela dit, il doit rembourser les dividendes perçus sur l’actif emprunté. In fine, il reçoit donc le différentiel des dividendes des deux actifs en question.
D’un point de vue de la théorie du portefeuille, la stratégie considérée change la donne. En effet, la théorie de portefeuille qui traite des positions «long» indique que le gestionnaire, idéalement, investit dans des actifs négativement voire faiblement corrélés et ceci pour des raisons de diversification des risques. Or, tel n’est plus le cas ici, car du fait de la possibilité de vendre à découvert, des actifs positivement corrélés peuvent être utilisés pour construire des positions ayant une corrélation négative. En fait, on peut montrer que les possibilités de vente à découvert permettent d’élargir la frontière d’efficience, c’est-à-dire les opportunités d’investissement.
Les stratégies Long/Short peuvent cependant être plus ou moins «biaisées» selon que les positions «short» excèdent ou pas les positions «long». On distingue ainsi trois sous-familles: l’Equity Market Neutral, qui vise une position neutre, Dedicate Short qui n’utilise que des positions «short» et enfin le Long Biased dont le montant des positions «long» excède le montant des positions «short». A ce titre, il faut noter une difficulté pour les fonds visant des positions neutres. En effet, étant donné que les actifs «long» prennent en général de la valeur alors que les actifs des positions «short» en perdent, les positions ont souvent tendance à dévier rapidement de la neutralité. Ceci implique qu’il faille rebasculer le portefeuille assez fréquemment et que la plupart des fonds ont de fait un biais «long».
Le lecteur peut éventuellement se demander pourquoi ces fonds sont supposés tellement risqués. En fait, si les actifs évoluent un sens inverse, c’est-à-dire que les actifs en position «long» perdent en valeur et que les actifs en position «short» prennent en valeur, le double alpha agit en sens inverse et la perte est d’autant plus considérable. Une autre source de risque est le fort levier que peut générer la vente à découvert, la plupart des fonds ayant des positions qui sont le multiple de leur fonds propres. Enfin, le collatéral peut perdre en valeur, comme on a pu le noter, malheureusement, au courant de l’année précédente.