À long terme, la croissance économique est une affaire étonnamment ennuyeuse. En principe, elle se résume à trois questions simples: Combien de travailleurs y a-t-il? De combien de capital productif disposent-ils pour travailler? Et avec quelle efficacité travailleurs et capital sont-ils utilisés pour produire des biens et services pour lesquels il existe une demande? Il est compréhensible que les investisseurs consacrent beaucoup d’attention aux fluctuations possibles de la croissance ou de l’inflation dans les mois et trimestres à venir, ainsi qu’aux réactions des banques centrales et des autres décideurs politiques. Entre-temps, la capacité d’une économie à transformer ses intrants en production dépend de nombreux facteurs difficiles à anticiper, qu’il s’agisse des technologies disponibles ou des politiques publiques. Par exemple, évaluer l’impact à long terme des mesures tarifaires récentes aux États-Unis relève largement de la spéculation. Mais c’est précisément pour cette raison qu’il est encore plus important de garder un œil sur les moteurs de croissance économique déjà prévisibles, plutôt que de se concentrer uniquement sur ce qui accapare l’attention des commentateurs de Wall Street.
Notre graphique de la semaine met en lumière un sujet qui, selon nous, a été particulièrement négligé dans l’ombre des disputes commerciales et des craintes liées à l’inflation. Il montre que l’emploi des travailleurs nés à l’étranger s’est récemment affaibli, alors même que diverses politiques de l’administration Trump ne font que commencer à entrer en vigueur. Au-delà des effets à court terme sur la croissance, la consommation et les salaires, cet élément est crucial: les immigrés ont représenté près de 75% de la croissance de la population active civile en âge central de travailler (25–54 ans) entre 2000 et 2022. Les immigrés ont également tendance à créer des entreprises à des taux plus élevés que les Américains de naissance et semblent avoir eu un impact disproportionné sur l’innovation, que ce soit en matière de dépôts de brevets ou de nouveaux modèles économiques.[1]
Quant aux perspectives à long terme pour les futurs travailleurs natifs, les taux de natalité ont également fortement chuté au cours des deux dernières décennies, en particulier dans les États où ils restaient encore relativement élevés selon les standards des pays riches il y a à peine dix ans.[2]
«Du moins en ce qui concerne ses perspectives démographiques, les États-Unis sont déjà en bonne voie de devenir bien moins exceptionnels qu’ils ne l’étaient encore il y a quelques années», affirme Christian Scherrmann, économiste en chef pour les États-Unis chez DWS.
«Selon les expériences internationales, cela a deux grandes implications. Premièrement, des politiques de soutien — comme l’augmentation de la participation féminine grâce à une meilleure offre de garde d’enfants — peuvent aider, mais cela prend du temps. Deuxièmement, les restrictions en matière de migration ne se contentent pas de limiter la taille de la population en âge de travailler, elles la rendent aussi plus volatile et plus difficile à estimer. Cela introduit, à son tour, de la volatilité dans toutes sortes d’autres indicateurs.»
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous soutenons depuis longtemps qu’il est souvent pertinent d’accorder davantage de poids aux mesures par habitant ou aux indicateurs indépendants de la taille de la population, en particulier lorsqu’il s’agit de comparaisons économiques internationales[3]. Mais essayez d’expliquer cela aux nombreux investisseurs qui considèrent les taux de croissance globale plus élevés des États-Unis comme un atout majeur face, par exemple, à l’Europe.