Après 20 années d’expérience accumulées successivement chez JPMorgan, Société Générale et Millennium Capital Management, Philippe Gougenheim a rejoint Man Investments depuis 2008 en tant que Senior Portfolio Manager. Il analyse pour nous les dernières tendances dans le monde de la gestion alternative.
Pouvez-vous nous présenter Man Investments?
Man Investment est un des leaders mondiaux de la gestion alternative avec environ 42 milliards de dollars d’actifs sous gestion au 31/12/2009. La moitié de ces encours est géré en direct, depuis Londres, à travers AHL: il s’agit du hedge fund interne du groupe, de type «Managed Futures», intervenant à partir de modèles quantitatifs, sur une centaine de marchés à terme. Notre activité de multi-gestion, dans laquelle je travaille et dont le siège est basé en Suisse dans la région de Zurich, gère l’autre moitié de nos actifs.
Fondé en 1783 par James Man, un tonnelier devenu, par la suite, négociant en matières premières, le groupe emploie aujourd’hui environ 1500 personnes et a fait son entrée à la bourse de Londres en 1994. La société est d’ailleurs un des composants de l’indice FTSE 100 avec une capitalisation boursière environ 5 milliards de livres.
En quoi consiste concrètement une activité de multi-gestion alternative?
L’activité de multi-gestion consiste à sélectionner un certain nombre de fonds alternatifs pour en composer un portefeuille ayant un couple rendement/risque optimal pour les investisseurs. Concrètement, ce travail passe, tout d’abord, par une phase d’identification des hedge funds pour chacun des différents styles d’investissement, comme par exemple, la catégorie «managed futures» ou bien encore «long/short equity». Man Investments étant un des leaders mondiaux dans le domaine de la gestion alternative, nous avons l’avantage d’être en contact avec la plupart des hedge funds qui se créent dans le monde, ce qui nous offre un avantage indéniable dans ce domaine. Une fois, cette phase d’identification effectuée, l’activité de multi-gestion consiste alors, à sélectionner les gérants de fonds les plus performants dans leur style de gestion respectif. Ensuite, il convient d’assembler cette sélection de manière optimale pour générer de la surperformance grâce à une diversification importante (classe d’actifs, zones géographiques, sectorielle, style d’investissement...).
Comment se porte aujourd’hui la gestion alternative, après une année 2008 marquée par la crise financière et l’affaire Madoff?
La crise a mis en exergue les faiblesses, désormais révolues ou en passe de l’être, de l’industrie de la gestion alternative, c’est-à-dire un cadre légal peu ou mal régulé, une opacité de certaines stratégies et des performances parfois décevantes qui peuvent se révéler corrélées aux actifs traditionnels. Ces différents éléments avaient mis à mal la confiance des investisseurs, notamment après l’affaire Madoff. Pour regagner cette confiance, l’industrie de la gestion alternative se dirige, aujourd’hui, vers plus de qualité de gestion avec des couples rendement/risque cohérents, et davantage de simplicité pour améliorer la transparence et la liquidité des stratégies.
Levier, complexité, corrélation, liquidité, dérives de gestion et absence de transparence sont autant de défis à relever pour les fonds alternatifs. D’ailleurs, notre groupe apporte, aujourd’hui, des réponses concrètes à ces attentes avec une gamme diversifiée, transparente et performante, à travers la rigueur de nos procédures de sélection.
Face à ces nouvelles tendances, quelles réponses concretes avez-vous apporté?
Nous avons procédé à un renforcement de nos moyens de contrôle et de nos critères de sélection. Nos moyens de contrôle passent, par exemple, par une vigilance accrue des positions et des calculs de risque des portefeuilles pour les fonds sur lesquels nous sommes investis. Cet accent mis sur la transparence a conduit Man Investments à donner plus d’importance à sa propre plate-forme de «managed accounts» (comptes gérés) qui nous permet de suivre dans des conditions optimales nos différents investissements. Notre ambition est, d’ailleurs, de faire en sorte qu’une part significative de nos actifs, dans le cadre d’activités de multi-gestion, soit détenue via cette plate-forme.
Que pensez-vous de la tendance actuelle de durcissement du cadre réglementaire pour la gestion alternative?
Je pense qu’il s’agit d’une très bonne chose qui va dans le sens d’une plus grande transparence. Le projet de directive européenne AIFM, par exemple, actuellement en discussion, apporte des points positifs, comme par exemple l’agrément des gérants et surtout une surveillance accrue par les autorités de tutelle. Ce renforcement de la régulation européenne en vigueur est nécessaire, à la fois pour mieux protéger les investisseurs mais également pour construire une industrie plus forte de la gestion alternative en Europe.
Quelles sont vos perspectives pour l’industrie de la gestion alternative en 2010?
L’année 2010 devrait être une bonne année pour la gestion alternative, aussi bien en termes de collecte que de performance. La tendance actuelle des banques à réduire leurs activités pour compte propre devrait être bénéfique pour les «hedge funds». En effet, la concurrence devrait être moins intense sur les marchés financiers pour profiter des éventuelles opportunités d’arbitrage qui ne manqueront pas de se produire. Nous anticipons, d’ailleurs, un retour de volatilité dans les mois qui viennent, en raison, notamment d’un possible scénario de sortie de crise moins rapide qu’initialement anticipé par les investisseurs.