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Où va-t-on ?

L’interprétation des statistiques économiques récentes est très difficile. Des courants contraires s’expriment, avec des impacts et des calendriers différents. Ce manque de cohérence exclut l’émergence d’une tendance claire.

Les politiques budgétaires expansionnistes des Etats durant la crise du Covid sont venues soutenir les consommateurs et les entreprises. Les salariés ont constitué une épargne significative sur laquelle ils continuent de prélever pour assurer leur train de vie. Aux Etats-Unis, cette épargne supplémentaire aurait été consommée à 60% à ce jour.

Depuis le début de l’année, la poursuite des aides ciblées, pratiquées dans des proportions variables suivant les pays, permet d’alléger le poids des hausses des prix du pétrole, de l’électricité, de l’alimentaire ... et d’éviter une baisse significative du pouvoir d’achat des consommateurs.

Cependant ce soutien contribue à accroître la dette des Etats et va à l’encontre des mesures mises en place pour lutter contre l’inflation. Freiner l’inflation passe par une réduction de la demande, un ralentissement de l’activité, ce qui se traduit le plus souvent par une hausse du chômage et une baisse du pouvoir d’achat.

Depuis 2 mois les chiffres d’inflation régressent. Tous se félicitent de cette orientation encourageante. Pourtant il faut admettre que l’inflation baisse essentiellement du fait du recul des cours du pétrole et du gaz. L’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentaire), elle, se maintient. De plus aux Etats-Unis, un taux de chômage très bas et des services particulièrement dynamiques suggèrent une économie peu touchée par la hausse des taux directeurs.

Les marchés estiment que le fléchissement de l’inflation, une fois enclenché, va se poursuivre et préfigure une baisse des taux directeurs. Or des taux plus bas allègent les charges des entreprises et encouragent l’investissement, mais permettent aussi d’accorder aux actions cotées des valorisations plus élevées. De plus, l’activité économique va subir une pose beaucoup moins marquée que ce qui était prévu, ce qui laisse présager une moindre dégradation des résultats des sociétés. Cette vision consensuelle explique l’emballement des indices boursiers depuis le début de l’année.

Il est possible que ce scénario se réalise bien que Christine Lagarde et Jerome Powell aient précisé qu’ils souhaitaient maintenir les taux directeurs à un niveau élevé – aux alentours de 5% à terme aux Etats-Unis, plus proches de 3,5% à terme en Europe – tant que l’inflation sous-jacente n’aurait pas retrouvé le niveau de 2%.

Le recours à l’épargne Covid, en modérant la contraction de l’activité économique, pourrait donner l’illusion d’une hausse des taux insuffisamment conséquente ou insuffisamment prolongée. Du fait d’une visibilité dégradée, les banques centrales pourraient être amenées à sous-estimer l’impact de leurs interventions. Mais une fois cette épargne définitivement «consommée» le ralentissement pourrait apparaître, plus brutal et plus fort que prévu.

Les banques centrales pourront toujours modifier leur approche, en acceptant une inflation résiduelle «temporaire» autour de 3,5% (et non 2%), ce qui leur permettrait de baisser les taux directeurs pour contrer la récession inattendue qui ferait irruption. Une telle porte de sortie risquerait cependant d’entamer leur crédibilité.

Si les résultats des entreprises du 4ème trimestre 2022 sont dans l’ensemble corrects, les perspectives des dirigeants s’avèrent plutôt prudentes. L’inflation a sans doute favorisé les chiffres d’affaires en 2022 mais le véritable renchérissement des coûts pourrait tout juste se mettre en place alors que les hausses de tarifs, face à une inflation déclinante, ne sont plus possibles.

Le pessimisme excessif en fin d’année, l’abondance des liquidités, l’espoir d’une désinflation en cours et un ralentissement en vue beaucoup moins marqué que prévu, expliquent la hausse enregistrée depuis le début de l’année. L’optimisme ambiant pourrait cependant être perturbé par l’absence marquée de visibilité.

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