Les banques des marchés émergents sont souvent décrites comme des institutions publiques assez instables, opérant principalement pour leur marché domestique et non pour des investisseurs minoritaires. Et, en effet, c’est souvent le cas.
Cependant, il y a des exceptions. Dans l’ensemble, ces banques ne veulent ou ne peuvent pas mettre en place correctement les changements nécessaires, mais il y a aussi celles qui sont déjà en mesure d’en tirer avantage, de sorte que les perspectives des différentes banques du secteur sont très diverses. En fait, plusieurs facteurs structurels permettent de générer des rendements attrayants si l’on considère celles qui sont prêtes à faire la différence.
L’inclusion financière se développe rapidement, mais il reste encore du chemin à parcourir
Globalement, des progrès significatifs ont été réalisés afin d’améliorer l’inclusion financière. Selon la base de données Global Findex de la Banque Mondiale, la proportion d’adultes ayant un compte bancaire ou un compte sur appareil mobile en 2017 était de 69%, contre seulement 51% en 2011. Bien que cette tendance soit encourageante, de nombreux marchés émergents et marchés frontières partent en réalité d’un niveau très bas. Par exemple, le Mexique, les Philippines et le Pakistan sont tous de grands pays émergents où le niveau d’inclusion financière reste inférieur à 40%.
Pour les banques, la croissance des dépôts de la clientèle retail, généralement moins coûteux et beaucoup plus stables que le financement sur le marché de gros, peut donner un avantage important à celles qui disposent d’une franchise concurrentielle en la matière. Par exemple, au Mexique, le taux d’intérêt payé par les banques pour les dépôts du retail est généralement de l’ordre de 4%, contre plus de 8% pour le financement sur le marché de gros. Cela peut souvent créer un avantage considérable pour ce qui est du taux auquel ces fonds peuvent être prêtés par la suite, ce qui explique pourquoi, sur des marchés tels que le Mexique et l’Indonésie, il existe une telle différence de rentabilité entre les banques.
Réformes réglementaires: des opportunités dans un contexte incertain
Une réforme financière significative est souvent nécessaire pour que les économies des marchés émergents puissent contre balancer une croissance rapide en limitant les excès indésirables. Il n’y a pas de programme de réforme uniforme sur les marchés émergents, notons des développements allant des efforts de la Chine pour limiter l’influence des activités de crédit non bancaires, en passant par le Brésil qui réduit le niveau des prêts subventionnés de la banque nationale de développement.
Ces changements créent souvent des occasions et des défis uniques pour les banques. Par exemple, dans le cas des banques publiques indiennes, la réforme qui oblige les banques publiques à redresser activement leurs bilans et à se recapitaliser a permis à certaines banques indépendantes de prendre une part de marché importante grâce à ce processus.
La mise en place de Bâle III, un dispositif réglementaire mondial pour l’adéquation des fonds propres des banques, la mise en place de stress tests et la maitrise du risque de liquidité sur le marché, a été pour le secteur bancaire l’un des changements majeurs au niveau mondial qui a eu un impact sur de nombreux marchés. L’une des conséquences involontaires de ce nouveau cadre réglementaire a été que souvent les banques internationales ont réduit leur présence sur les marchés émergents en raison des exigences punitives quant à leur exposition aux risques. Cela a généré des opportunités pour certaines banques locales qui ont pu tirer partie de la baisse de la concurrence sur des marchés tels que la Géorgie et l’Égypte.
Innovations technologiques: la création d’une nouvelle génération de leader sur le marché
Le développement et la commercialisation de nouvelles technologies constituent à la fois une menace concurrentielle et un accélérateur de rentabilité pour de nombreuses banques des marchés émergents. La création de sites web et d’applications bancaires en ligne a permis aux banques les plus innovantes de se développer rapidement à un coût relativement faible. De plus, le big data a permis d’améliorer l’octroi de prêts en ajustant le risque. Par exemple, Ant Financial, la filiale financière du géant chinois du commerce en ligne Alibaba, a développé le «zhima score» qui suit les habitudes des utilisateurs, allant de la surveillance des achats aux activités sociales en ligne, pour classer la solvabilité d’une personne.
De même, il est possible de réduire les dépenses opérationnelles. La grande banque russe Sberbank, par exemple, a annoncé qu’elle ferait appel à des robots-avocats pour remplacer 3 000 employés dans son département crédit, et se vante déjà que l’intelligence artificielle représente actuellement 35% des décisions liées au crédit, s’attendant à ce que ce taux atteigne 70% à l’avenir.
Gouvernance, un mélange des extrêmes
Au-delà de ces principaux changements structurels, la grande diversité des standards de gouvernance constitue une autre caractéristique des banques des marchés émergents.
Malheureusement, bon nombre de ces banques sont mal gérées, car elles sont publiques et se concentrent principalement sur les emprunts d’Etat plutôt que sur les prêts rentables. Cela se traduit généralement par une rentabilité médiocre et une mauvaise gestion des fonds propres. Ce que l’on sait moins, cependant, c’est que les marchés émergents comptent également certaines des meilleures banques au monde en termes d’alignement des intérêts, de processus et de contrôle. Par exemple, pour les cadres supérieurs d’Itau, de Bank of Georgia et de Commercial Bank Egypt, la rémunération est versée en grande partie sous la forme de stock-options à long terme. Il est important de noter que certains de ces régimes sont parfois très larges, par exemple à la Commercial International Bank, tous les salariés de l’entreprise (y compris les employés des succursales) ont accès à un régime de participation aux bénéfices de la banque.
Finalement, les marchés émergents font trop souvent la une des journaux sur l’actualité macroéconomique et politique.
Sûrement peu de secteurs constituent une meilleure illustration du concept développé par Benjamin Graham pour qui les marchés sont à court terme comme une machine à voter, accumulant les entreprises les plus populaires, mais qui deviennent à long terme comme une balance évaluant la réelle substance de chaque entreprise.
Bien qu’aucune bonne gouvernance ni aucun changement structurel positif ne puisse entièrement protéger ces banques d’un mauvais environnement économique, il n’en demeure pas moins qu’elles génèrent d’intéressantes opportunités pour obtenir des rendements importants ajustés du risque au cours d’un cycle. La clé est donc d’identifier quand le marché ne fait que voter, et quand il n’est pas en train de peser.