Les marchés ont poursuivi leur forte hausse, grâce à de bonnes statistiques économiques. Il y a manifestement des signes de stabilisation de l’économie américaine avec de meilleurs chiffres que prévu (bien que le sondage de la Philly Fed ait été décevant jeudi dernier), tandis que l’activité semble bien se reprendre en Chine (même si les exportations du mois de décembre ne peuvent guère se maintenir à de tels niveaux).
Comme nous l’avons fait remarquer récemment, la performance des actifs risqués est telle que les actions semblent désormais très surachetées par rapport aux emprunts d’Etat (notre indicateur propriétaire ayant atteint son niveau le plus extrême depuis décembre 1999).
De surcroît, il y a eu un retour marqué des investisseurs en faveur des actifs risqués si l’on en croit le dernier sondage de Bank of America / Merrill Lynch relatif aux gérants de fonds (SGF), qui montre que 52% des gérants de fonds diversifiés sont surpondérés en actions, soit le plus haut niveau depuis février 2011. Ce niveau est encore plus élevé qu’en mars 2012, lorsque la hausse des actifs risqués commença à s’essouffler. La part des liquidités est également tombée à des niveaux particulièrement faibles, tandis que d’autres indicateurs de sentiment tels que l’Appétit au Risque des Investisseurs (IRA) mesuré par le Crédit Suisse confirment cet engouement. L’IRA agrégé est sur le point d’atteindre les niveaux de l’euphorie et l’IRA sur le marché du crédit a même dépassé son plus haut niveau historique. La semaine dernière a été marquée par un afflux de capitaux important sur les marchés d’actions, essentiellement via des ETFs, ce qui laisse penser que les investisseurs essayent à tout prix de se repositionner sur les actions.
Malgré cet enthousiasme débordant, trois éléments nous incitent à la réflexion.
Premièrement, les investissements sur les marchés se font de plus en plus sans aucun discernement. Le SGF révèle une absence de forte préférence régionale, la sous-pondération du Japon (qui nous interpellait fin octobre dernier) n’étant plus aussi manifeste après trois mois de hausse significative, l’Europe étant marginalement surpondérée et les Etats-Unis marginalement sous-pondérés. Les marchés émergents sont les plus populaires, le positionnement des investisseurs y ayant atteint un niveau extrême.
Deuxièmement, les banques centrales commencent à se soucier des évolutions des marchés. Les responsables de la Fed s’inquiètent en effet des distorsions financières provoquées par leur politique monétaire ultra-accommodante, le Président Ben Bernanke ayant déclaré que la banque centrale devait «faire très attention aux coûts et risques» induits par une telle politique. De plus, l’indice de surprise économique s’est retourné aux Etats-Unis et tend vers une valeur négative (cf. le graphique). Cela signifie soit que les dernières statistiques ont été décevantes (ce qui n’a globalement pas été le cas), soit que les anticipations ont atteint des niveaux trop élevés. Cette deuxième explication est probablement la bonne, compte tenu de l’exubérance manifeste des marchés et des investisseurs en termes de positionnement. Cela montre également que même les économistes peuvent verser dans l’euphorie.
Les marchés nous semblent ainsi surachetés et susceptibles de faire une pause. Les marchés cycliques, tels que le Japon, l’Asie et les marchés émergents, qui ont tous vivement progressé, pourraient ainsi subir une correction. Nous pourrions également assister à des arbitrages en faveur des valeurs défensives.
En dépit de ces signaux de plus en plus alarmants, nous maintenons une vision constructive à l’égard des marchés au sein de nos portefeuilles multi-actifs. Notre scénario central reste celui d’une reprise graduelle et modeste de l’économie aux Etats-Unis en 2013, laquelle soutiendra les marchés d’actions notamment en Europe (hors Royaume-Uni) et au Japon.
Nous restons surpondérés sur les actions par rapport aux obligations, en surpondérant les Etats-Unis, le Canada, l’Europe hors Royaume-Uni ainsi que le Japon, au détriment du Royaume-Uni que nous sous-pondérons. Après la hausse récente des marchés, nous adoptons un profil de risque légèrement plus faible au sein de nos portefeuilles du fait d’un moindre degré de confiance.