En effet, le développement des technologies de l’Intelligence Artificielle (IA) rend ce modèle organisationnel moins rentable et certains acteurs de la place envisagent déjà de relocaliser leurs opérations back-office Trade Finance en France.
Les banques ont, dès les années 2000, délocalisé leurs opérations back-office de Trade Finance dans des CSP.
La plupart des établissements bancaires internationaux font appel à des CSP pour traiter leurs opérations back-office, notamment de Trade Finance. Créés aux Etats-Unis dans les années 1980 et adoptés par les entreprises françaises au début du 21ème siècle, ces entités autonomes mutualisent le traitement des crédits documentaires et garanties internationales de l’établissement bancaire à l’échelle régionale ou mondiale.
Cette centralisation des activités de back-office Trade Finance en un seul lieu a de nombreux atouts, dont notamment la réduction des coûts de processus grâce aux économies d’échelle induites par le traitement d’un plus grand nombre d’opérations.
Cette baisse des coûts est très souvent renforcée par la délocalisation du CSP dans un pays où la main d’œuvre est moins onéreuse qu’en France. La Pologne et la Roumanie sont des destinations fréquentes en Europe, ou bien l’Inde où le coût de main d’œuvre est 4 à 5 fois moins élevé qu’en France. Certaines banques font appel à des CSP situés en Inde pour le traitement back-office de leurs opérations de Trade Finance. Elles n’ont conservé localement que les activités requérant une plus forte expertise comme la validation des transactions ou le contrôle permanent par échantillonnage. De même, la relation directe avec le client, nécessitant une compréhension fine du marché local est restée aux mains des équipes métiers en France.
Rendu possible grâce aux outils digitaux, ce recours aux CSP a aussi accéléré la digitalisation des activités de Trade Finance.
L‘éclatement des processus en plusieurs lieux a été rendu possible grâce aux outils digitaux. Ils permettent le partage d’information entre les différents intervenants sur le processus, même situés à des milliers de kilomètres les uns des autres. Par exemple, les CSP situés en Inde travaillent sur des versions numériques des liasses documentaires, qui ont été reçues en format papier en France puis scannées. Cette répartition des activités a bien entendu créé un très fort besoin de coordination entre le back-office délocalisé et les équipes internes. Il a fallu mettre en place des outils digitaux de gestion et de suivi des flux qui permettent le traitement de bout en bout d’un processus de manière décentralisée. Ce nouveau modèle organisationnel, directement issu de la révolution numérique, a donc aussi largement contribué à la digitalisation grandissante des activités de Trade Finance.
Elles entrent désormais dans une nouvelle phase de développement technologique: l’intelligence artificielle. Dans plusieurs banques de la place, des projets sont en cours afin d’automatiser complètement l’analyse des liasses documentaires. Une fois scannées, les liasses sont «lues» par un logiciel de reconnaissance de caractères (OCR). Les données extraites vont ensuite remplir automatiquement les champs correspondants dans l’outil de traitement des opérations via une API ou bien l’utilisation d’un robot (RPA: Robot Process Automation). Seules deux activités de ce processus restent, pour le moment, effectuées uniquement par des humains: le scan des liasses documentaires, qui n’ont pas encore été dématérialisées, et la validation des opérations après vérification que les données déversées automatiquement sont correctes. Toutefois, si les résultats de l’IA se révèlent satisfaisants, il est probable que la vérification manuelle ne soit plus nécessaire et que seul un contrôle par échantillonnage soit effectué a posteriori.
Le bond technologique vers l’IA permet la relocalisation de la chaine de valeur Trade Finance.
Si le coût d’entrée de tels projets peut être important, l’utilisation des technologies de l’IA entraine un gain de performance non négligeable et une réduction des coûts substantielle. Basés sur des algorithmes, ces nouveaux outils sont capables de gérer des quantités considérables de transactions avec un nombre d’erreurs infinitésimal. De ce fait, leur utilisation permet bien souvent de réduire davantage les coûts que de faire appel à un CSP, comme l’a montré une étude du groupe Everest publiée en 2016. Par conséquent, les banques commencent à envisager de rapatrier l’ensemble des activités de la chaîne de valeur Trade Finance au sein de leurs équipes métiers locales, l’utilisation d’outils digitaux plus performants devant permettre un gain de productivité suffisant pour que la sous-traitance des opérations de back-office ne soit plus rentable. Un projet de ce type avait été lancé chez HSBC en 2017.
Ainsi, s’il est probable que l’IA permette à terme une relocalisation des activités de back-office Trade Finance, il n’en va pourtant pas de même des emplois. En effet, les tâches aujourd’hui réalisées par les CSP auront été partiellement ou complètement automatisées. L’humain n’aura bien souvent plus qu’un rôle, pourtant crucial, de superviseur de la machine. Se posera alors la question de la requalification des gestionnaires back-office, aussi bien en France que dans les CSP. D’ailleurs, une étude réalisée par IBM en 2019 a estimé qu’en France plus de 2 millions de salariés, et 120 millions dans le monde, auront besoin d’être requalifiés dans un avenir proche en raison de l’utilisation des robots et de l’IA.