La transition énergétique est une source potentielle d’inflation et de moindre croissance. Parée de ces deux caractéristiques, elle est un dilemme pour les pouvoirs publics. Elle peut accentuer les inégalités et accroître les tensions sociales, d’où la multiplication des demandes concernant l’accompagnement des ménages à revenus modestes. En réduisant les recettes et en augmentant les dépenses publiques, elle contribue à l’accélération de l’endettement.
La transition énergétique, source d’inflation
La transition énergétique est inflationniste pour deux raisons. Premièrement, en raison du caractère aléatoire des énergies renouvelables, les États doivent être à tout moment en capacité de disposer de ressources d’appoint. Le stockage de l’énergie ou la construction de centrales traditionnelles dont l’usage est limité aux périodes d’absence de production d’énergies d’origine éolienne ou solaire, génèrent des coûts plus élevés. En l’état actuel des techniques, le prix de l’énergie d’origine renouvelable est plus élevé que celui des énergies carbonées. Le stockage que ce soit dans des batteries ou en produisant de l’hydrogène vert provoque une perte de 50 à 60% de l’électricité initialement produite. De ce fait, les capacités de production doivent être nettement supérieures à la demande. L’énergie renouvelable est deux fois plus coûteuse que les énergies traditionnelles sans prendre en compte pour ses dernières les externalités négatives en lien avec les effets sur le climat des émissions des gaz à effet de serre.
Deuxièmement, la transition énergétique provoque l’obsolescence d’investissements qui n’étaient pas encore totalement amortis. Dans l’industrie ou les transports, les entreprises doivent à rythme accéléré changer leurs matériels ou leurs flottes de véhicules. La décarbonation nécessite également des investissements importants dans l’immobilier. Ces dépenses aboutissent à une augmentation des prix. Celle-ci sera d’autant plus forte que tous les pays appliquent en même temps les mêmes politiques générant des tensions sur les matières premières indispensables pour la production des énergies renouvelables ou sur les biens d’équipement utilisés pour les investissements de décarbonation.
La transition énergétique pourrait générer un surcroît d’inflation de 0,75 à 1 point par an au sein des États occidentaux. Face à ce risque inflationniste, les banques centrales peuvent soit laisser faire et enterrer leur objectif des 2%, soit relever leurs taux directeurs pour permettre son respect. Dans ce dernier cas, l’investissement et la croissance seront pénalisés et le coût de la dette sera accru. Or, celle-ci pourrait être amenée à s’accroître pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les États devront financer des investissements de décarbonation. En outre, ils devront prendre à leur charge une partie des coûts supportés par les ménages les plus modestes. Le supplément de dépenses pourrait atteindre 0,5 point de PIB chaque année. Avec des taux d’intérêt en hausse, le service de la dette pourrait croître rapidement avec un risque d’étouffement des États. Pour ne pas générer un problème de soutenabilité de la dette publique, les banques centrales pourraient accepter implicitement une inflation supérieure à 2%. Si l’inflation augmente continuellement et plus rapidement qu’auparavant, le débat sur l’indexation des salaires risque de se poser assez vite. Cette réindexation des salaires rendrait les économies plus instables avec une possibilité de stagflation.
Plus d’inflation, moins de croissance seraient le prix à payer pour réaliser la transition énergétique nécessaire pour essayer de limiter le réchauffement climatique. Avec des gains de productivité qui s’étiolent, le pari sera délicat à réaliser. La tentation sera grande de recourir au protectionnisme qui aurait un effet amplificateur au niveau de la baisse de la croissance et des pertes de pouvoir d’achat des ménages. Cette tentation est déjà à l’œuvre que ce soit entre les États-Unis, l’Europe et la Chine, ou à l’intérieur même de l’Union européenne. Les malus institués en France contre les voitures ont ainsi visé essentiellement les marques étrangères et en particulier allemandes. Les pays émergents et en développement seront certainement ceux qui seront les plus touchés par l’inflation et la perte de croissance. Le prochain sommet de Paris sur les aides à apporter à ces pays au mois de juin sera sans nul doute un rendez-vous important pour l’économie mondiale des prochaines années. L’ONU, la Banque mondiale, le FMI devraient s’engager dans des politiques innovantes en la matière comme le suggère l’OCDE.