1 – Le scénario central de la BCE est particulièrement optimiste, avec une projection centrale de croissance de 3,7% en moyenne cette année et 2,8% l’an prochain, au lieu de respectivement 4,2% et 2,9% dans son scénario de décembre. Dit autrement, l’impact de la crise russo-ukrainienne serait de 0,5% seulement cette année et de 0,1% l’an prochain. C’est pas cher payé! Cette projection s’appuie, selon les propos de MmeLagarde, sur trois principaux points:
a. Une reprise solide post Omicron
b. Un amortissement des effets de la crise actuelle par le haut niveau d’épargne de la pandémie et la bonne santé du marché de l’emploi.
c. Des mesures de soutien gouvernementales.
Quoi qu’elle publie deux scénarii alternatifs, qualifiés d’averse ou de sévère, c’est sur son scénario central qu’elle base ses choix, au risque de les faire évoluer en fonction du contexte à venir.
2 - Une accumulation d’inquiétudes au sujet des perspectives d’inflation sur lesquelles la présidente de la BCE est revenue à plusieurs reprises. Les effets de la situation en Ukraine viennent s’ajouter à un ensemble de tensions en provenance de l’offre et des craintes d’accélération des salaires inhérentes au bas niveau de taux de chômage. Malgré tout, en dépit d’une forte révision à la hausse de son scénario d’inflation pour 2022, à 5,1% au lieu de 3,2% en décembre, la BCE envisage un toujours un repli à 2,3% dès 2023 et 1,9% pour 2024. Dans chacun des deux autres scénarii, l’inflation prévue est substantiellement plus haute, à 5,9% s’agissant du scénario adverse et 7,1% pour le sévère. 5,1% est donc clairement observé comme un seuil, qui justifie probablement une grande nervosité du Conseil.
Conclusions:
- MmeLagarde semble avoir perdu la main face aux «hawks» malgré l’unanimité apparemment trouvée pour suivre les recommandations de Philip Lane, l’économiste en chef de la BCE. Il s’agit d’un changement majeur depuis l’arrivée de l’actuelle présidente à la tête de la BCE, qui, n’aura peut-être qu’un impact immédiat limité, compte-tenu des risques économiques en présence, mais pourrait avoir un effet beaucoup plus important une fois le choc de la crise ukrainienne dépassé, notamment si le conflit trouve une issue rapide. => Le risque de hausse des taux futurs est à l’évidence accru et, avec lui, celui de tensions souveraines.
- L’annonce de la BCE ajoute un élément de stress sur les perspectives de croissance. En réduisant, de facto, les marges de manœuvre des gouvernements face à la crise, la décision de la BCE résonne comme un signal négatif pour les perspectives économiques. La réaction à la baisse des valeurs bancaires à ces annonces est, à ce titre, notable. Au-delà de l’incertitude des prévisions liées à la situation ukrainienne, le risque que fait planer un arrêt probable des programmes d’achats de la BCE, voire celui d’une possible remontée des taux directeurs avant la fin de l’année, constitue un facteur négatif additionnel.
- L’ensemble n’est guère porteur pour les marchés boursiers, déjà largement fragilisés par le conflit en présence, les craintes d’un choc économique plus important que chiffré par l’Institution et par des révisions à la baisse des perspectives des bénéfices. Malgré une hausse vraisemblable des taux des Fed Funds d’un quart de point la semaine prochaine, le changement de cap de la BCE réduit les chances d’un euro plus faible potentiellement amortisseur de crise pour les entreprises (quand bien même porteur de plus d’inflation importée…). Les chances d’un «V shape» des marchés européens que certains investisseurs semblent prêts à envisager en cas d’atténuation du conflit s’en trouvent réduites. Si l’on en juge aux propos de MmeLagarde, une fois le conflit derrière nous, c’est, en effet, à un durcissement monétaire significatif qu’il faut s’attendre: autant qu’il faudra pour ramener l’inflation à 1,9% en 2024, conformément aux prévisions de la BCE? C’est la question que l’on se pose forcément…