Le récent virage social-démocrate du Président Hollande ne doit sans doute rien au hasard. Le décrochage économique de notre pays est en effet très préoccupant, et il était donc urgent de tenter de l’enrayer, car l’indulgence actuelle des marchés financiers à l’égard de la France pourrait ne pas durer.
Le mystère des spreads
Les français et leurs dirigeants n’aiment pas les marchés financiers («Mon ennemi, c’est la finance»…).
Leur animosité envers cette corporation, au demeurant largement partagée dans le monde, n’est pas sans fondement compte tenu de la responsabilité qu’elle a eu dans le déclenchement de la crise des subprimes. Cette hostilité nous semble cependant exagérée car la France peut aujourd’hui emprunter sur les marchés de capitaux à des conditions de financement particulièrement avantageuses, preuve de la bienveillance dont nous bénéficions de la part de ceux que nous jugeons si sévèrement. Rarement la rémunération que nous devons consentir pour lever des capitaux sur les marchés n’a effectivement été aussi faible. Rarement les primes de risque (les fameux spreads) exigées par nos créanciers pour qu’ils acceptent de nous prêter n’ont été aussi serrées. La France est quasiment traitée par les marchés à l’égal de l’Allemagne pourtant considérée comme un des débiteurs les plus sûrs du monde.
Cet engouement pour la dette française interpelle. Notre pays n’a certes pas fait défaut depuis 1797 (épisode de la Banqueroute des Deux Tiers), mais il est loin de rivaliser avec nos voisins germaniques, que ce soit sur le plan économique, ou sur le plan financier.
Le décrochage de la France
Il n’est d’ailleurs pas exagéré de dire
que notre situation relative s’est plutôt
détériorée au cours des dernières
années, non seulement vis-à-vis de
l’Allemagne, mais également vis-à-vis
des autres membres de l’Union.
Nos coûts unitaires de production et
notre compétitivité se sont érodés,
tandis qu’ils s’amélioraient
sensiblement chez nos partenaires.
Malgré le poids considérable des
prélèvements obligatoires, les déficits
publics restent très élevés dans
l’Hexagone alors qu’ils ont disparu
Outre-Rhin, et s’amenuisent dans la
périphérie de la zone euro. La
rentabilité de nos entreprises est très
inférieure à la moyenne européenne,
ce qui pèse sur l’investissement et
l’emploi.
Plus grave, nos parts de marché à l’exportation ne cessent de reculer, et la France est le seul grand pays européen qui affiche encore un déficit extérieur important (correspondant à 1.7% de son PIB).
L’indulgence des marchés financiers à l’égard de la France pourrait ne pas durer.
Dépendance financière
Conséquence mécanique de la persistance de ce déficit extérieur, notre pays continue de s’endetter. Un déficit extérieur traduit en effet un excès de demande intérieure par rapport à la production nationale, autrement dit un excès de dépenses par rapport aux revenus distribués qui oblige les agents économiques à recourir à l’emprunt pour pallier à l’insuffisance de leurs revenus. Cette situation nous met évidemment en état de dépendance par rapport aux marchés financiers, puisque c’est auprès d’eux que nous empruntons les ressources qui nous manquent. Elle nous oblige en outre à satisfaire à leurs exigences de rigueur et d’assainissement budgétaire, car comme le disait fort justement Bonaparte: «Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit».