La première chose qui vient à l’esprit lorsque l’on pense à l’intelligence artificielle (IA) est la productivité, et plus précisément le potentiel impact que l’IA pourrait avoir sur les emplois. En ce sens, nous ne pouvons qu’espérer que l’automatisation des tâches rende les emplois plus productifs, libérant des ressources humaines pour se focaliser sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, augmentant ainsi à la fois la production économique et les salaires. Pourtant, l’automatisation, et plus généralement les transformations technologiques profondes, est généralement accueillie avec scepticisme et résistance: la théorie selon laquelle ces avancées technologiques supprimeraient des emplois est aussi vieille que le capitalisme lui-même.
Selon l’avis général, l’adoption de l’IA sera probablement lente, tout comme ses effets. Cela s’explique en partie par le fait qu’il est compliqué de restructurer les entreprises de manière à maximiser le potentiel de l’IA. En effet, une part importante de nos économies est constituée de secteurs qui s’avérèrent difficiles à repenser (par exemple, les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’hôtellerie, les arts ou les sports) d’une manière qui permettrait à terme à l’IA d’augmenter la productivité.
De manière générale, avant que la technologie ne puisse produire des résultats positifs, les entreprises doivent investir de l’argent et du temps pour pouvoir déployer des outils et former la main-d’œuvre afin de les utiliser efficacement. Ce temps consacré à la formation réduirait à son tour la productivité. Ce n’est qu’ultérieurement que la productivité finirait par bondir engendrant ainsi des gains économiques.
Par conséquent, si la productivité n’est pas le bon angle d’approche pour concevoir l’IA, une autre manière de l’appréhender serait au travers d’une technologie habilitante qui permettrait le développement et l’amélioration de technologies déjà existantes. En effet, l’IA pourrait devenir un vecteur de nouveaux services qui conduirait à l’émergence de nouvelles sociétés pouvant les fournir. Si cela s’avère, l’IA serait-elle un nouvel exemple de technologie générique? Celles-ci sont des innovations qui permettent l’augmentation généralisée de la productivité ainsi que l’essor de nouveaux services et industries.
Ainsi, de quelles manières les investisseurs pourraient-ils en tirer profit? L’idée selon laquelle l’IA serait la cause d’un remaniement majeur du fonctionnement des entreprises tout en générant des gains de productivité pourrait, en théorie, soutenir des valorisations plus importantes pour les années à venir. En outre, les entreprises pourraient être en possession d’une quantité importante de données précieuses sur leurs clients, ce qui pourrait générer un potentiel encore plus important (s’il est exploité pour améliorer les ventes, par exemple). Dès lors, la principale question pour les investisseurs est de savoir si l’IA sera la prochaine grande innovation au profit d’un nombre limité de sociétés technologiques et de ses investisseurs, ou si, en tant que technologie générique, elle aura des impacts économiques beaucoup plus importants sur les vainqueurs de demain qui ne seront peut-être pas les protagonistes d’aujourd’hui. Il est clair que l’hypothèse d’investissement de ces deux scénarios n’est pas la même et choisir la mauvaise pourrait entraîner des conséquences considérables pour les investisseurs.
Alors que nous essayons de tracer les voies dans lesquelles l’IA pourrait se déployer, nous devons également intégrer à l’équation l’impact de la réglementation sur son développement. Les objectifs seront vastes, en commençant par l’encadrement du domaine d’intervention de l’IA jusqu’à son régime de responsabilité; la désignation du propriétaire des solutions délivrées par les outils liés à l’IA jusqu’à l’accès aux données et aux algorithmes; de la création d’infox et l’exploitation de faux contenus. L’objectif principal étant de mettre en place une réglementation progressive devant résoudre les difficultés rencontrées à mesure qu’elles se présentent. Cependant, les critiques soutiennent que cette approche de laisser-faire pourrait ne pas empêcher les conséquences négatives si elle est abordée trop tard. Or, les incertitudes portant sur les «inconnues connues» et les «inconnues inconnues» sont difficiles à appréhender, et nous sommes souvent pris de court par le développement négatif de nouvelles technologiques qui sont, par essence, positives. L’exemple le plus marquant était l’espoir que les discussions libres via Internet auraient été, au fil du temps, les facteurs clés grâce auxquels la démocratie, la liberté et la confiance se répandraient.