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Intégrer la tragédie des horizons dans l'ORSA via des scénarios de risques climatiques

Solvabilité 2 exige des entreprises d’assurance et de réassurance qu’elles prennent en considération, dans leur système de gouvernance, leur système de gestion des risques et leur propre évaluation des risques et de la solvabilité (ORSA), tous les risques auxquels elles sont confrontées, à court et à long-terme et auxquels elles sont ou pourraient être exposées...

Solvabilité 2 exige des entreprises d’assurance et de réassurance qu’elles prennent en considération, dans leur système de gouvernance, leur système de gestion des risques et leur propre évaluation des risques et de la solvabilité (ORSA), tous les risques auxquels elles sont confrontées, à court et à long-terme et auxquels elles sont ou pourraient être exposées, même lorsque ces risques ne sont pas ou peu pris en compte dans le calcul du SCR.
Dans ce cadre, l’EIOPA a publié tout récemment une consultation sur la prise en compte des scénarios de risques climatiques dans l’ORSA.

Cette consultation fait suite à l’avis rendu l’année dernière par l’EIOPA sur l’intégration des risques de durabilité dans Solvabilité 2, qui recommandait que les risques climatiques au–delà de l’horizon d’un an soient pris en compte dans le pilier 2 (gouvernance, gestion des risques, ORSA). Cet avis précisait que des travaux supplémentaires seraient nécessaires pour définir un ensemble cohérent de paramètres quantitatifs à utiliser dans les scénarios de risque climatique, que les entreprises pourraient ensuite décliner dans leurs pratiques ORSA, de gestion des risques et de gouvernance, en les combinant à d’autres paramètres liés aux spécificités de leur entreprise.

Dans cet avis technique, l’EIOPA encourager les assureurs à mener une gestion prospective des risques climatiques. Pour les accompagner, elle attend des autorités nationales compétentes (l’ACPR pour le marché français) qu’elles supervisent l’intégration de scénarios de risque climatique dans l’ORSA des compagnies d’assurance, en appliquant une approche proportionnée et fondée sur le risque.

En particulier, les autorités de surveillance devraient attendre des assureurs qu’ils évaluent au moins deux scénarios climatiques à long terme:

  • Un scénario de risque de changement climatique dans lequel l’augmentation de la température mondiale reste inférieure à 2°C, de préférence pas plus de 1.5°C, conformément aux engagements de l’UE
  • Un scénario de risque de changement climatique dans lequel l’augmentation de la température mondiale dépasse 2°C.

L’EIOPA reconnaît toutefois que l’analyse des scénarios de risques liés au changement climatique est un exercice complexe, qui doit évoluer au fil du temps, à mesure que de nouvelles méthodes sont disponibles et que les compagnies d’assurance acquièrent de l’expérience.

Selon une enquête réalisée par l’EIOPA auprès des autorités nationales compétentes européennes, de nombreux assureurs ont intégré dans leur ORSA que le changement climatique représente un risque (notamment l’augmentation attendue des risques physiques pour les assureurs non-vie), mais très peu ont évalué ce risque via une analyse de scénarios, et ceux qui l’ont fait ont adopté un horizon trop court terme.

En réalité, les risques climatiques doivent être évalués à court-terme et à long-terme, l’horizon temporel pouvant être plus long que les horizons actuellement utilisés dans les ORSA (plusieurs décennies au lieu de 3-5 ans). En effet, les effets néfastes du réchauffement climatique sont déjà visibles aujourd’hui (augmentation de la fréquence et la gravité des événements météorologiques extrêmes et des catastrophes naturelles), et sans une action internationale supplémentaire en faveur du climat, à plus longterme, la température moyenne mondiale et les risques physiques associés continueront d’augmenter, ce qui augmentera le risque de souscription des assureurs, aura un impact sur la valeur des actifs et remettra en question leurs stratégies commerciales.

L’analyse de scénarios de changement climatique à long-terme est donc importante pour éclairer la planification stratégique et la stratégie commerciale, afin de saisir les opportunités et remettre en cause les modèles commerciaux actuels, pouvant mettre en péril le profil de risque et la solvabilité à long-terme. A noter que l’analyse doit être menée sur la totalité du bilan: en assurance non vie, les risques de transition impactent l’actif et les risques physiques impactent le passif, en assurance vie, les contrats au passif sont directement liés à la performance de l’actif et peuvent donc être également impactés par le risque de transition.

Il est donc demandé aux compagnies d’assurance de présenter et expliquer dans leur exercice ORSA l’analyse des risques liés au changement climatique à court et à long terme, notamment via:

  • Un aperçu de toutes les expositions importantes aux risques liés au changement climatique, une explication de la manière dont l’entreprise a évalué l’importance relative et, le cas échéant, une explication si l’entreprise a conclu que le risque lié au changement climatique n’est pas important;
  • Les méthodes et principales hypothèses utilisées pour évaluer les risques liés aux expositions importantes, y compris l’analyse des scénarios à long terme;
  • les résultats quantitatifs et qualitatifs des analyses de scénarios et les conclusions tirées de ces résultats.

D’autre part, les autorités nationales compétentes sont incitées à encourager les grandes compagnies d’assurance à reporter des informations liées au climat, notamment la manière dont les risques liés au climat pourraient affecter les besoins globaux de solvabilité, conformément aux lignes directrices de la Commission sur l’établissement de rapports non financiers.

L’EIOPA fournit dans son avis des matrices permettant de lier les risques climatiques (risques physiques, risques de transition – politique, juridique, technologique, de réputation et de marché) et les risques prudentiels (souscription, contrepartie, marché, opérationnel, stratégique), afin d’aider les compagnies d’assurance à identifier les risques climatiques les plus matériels sur leur activité. Il y a une matrice pour l’assurance non vie et une matrice pour l’assurance vie.
La consultation est ouverte jusqu’au 5 janvier 2021, pour un avis final de l’EIOPA attendu pour le printemps 2021.

Noémie Hadjadj-Gomes Octobre 2020
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