La récente phrase choc d’Emmanuel Macron sur une nécessaire indépendance vis-à-vis des États-Unis se heurte à une réalité: la suprématie du dollar. La puissance du billet vert conforte la position dominante des États-Unis. Dans ce contexte, peut-on envisager une “dédollarisation” du monde? Pour William Gerlach, Directeur Régional France et Royaume-Uni au sein d’iBanFirst, nous n’assisterons pas à un détrônement du dollar de sitôt. Explications.
La première raison est simple: la majorité de la dette à l’international est labellisée en dollar américain. Pour la rembourser, il vous faut donc… du dollar américain. Cela touche l’ensemble des grandes puissances, même la Chine dont les premiers prêts dans le cadre de la nouvelle route de la soie ont été effectués en USD.
Deuxième raison: l’hégémonie militaire des États-Unis et sa puissance monétaire sont fortement connectées. Plus un pays entretient de relations militaires fortes avec les États-Unis, plus sa dépendance au dollar est avérée. C’est ce que démontre une étude de la Fed selon laquelle les ¾ de la réserve de dollars américains sont détenues par des pays qui ont une forte relation militaire avec les États-Unis. Admettons que le dollar soit moins utilisé dans le commerce international (ce qui est peu probable), cela ne signifierait pas forcément que la monnaie perde son statut à l’international, précisément du fait de l’hégémonie militaire des États-Unis.
Troisième raison: plusieurs facteurs structurels favorisent un système international basé sur le dollar américain (plutôt que sur le yuan chinois):
- Le dollar a une forte liquidité contrairement au yuan.
- Le yuan est indexé sur le dollar (même si cela pourrait changer dans le futur).
- Les États-Unis sont toujours le pays le plus puissant en termes militaires et économiques.
- Les États-Unis restent le plus grand producteur de pétrole au monde.
A quoi ressemblera le système monétaire international dans 10 ans?
Nous entrons très probablement dans un système monétaire international plus décentralisé dans lequel le dollar américain restera la devise principale aux côtés de nombreux concurrents tels que le yuan. Cette compétition est saine au niveau international puisqu’il n’est pas bon pour une économie d’un pays de ne reposer que sur une monnaie en particulier. Cela crée effectivement des déséquilibres pour le pays en question mais également pour les États-Unis.
Dernier point essentiel qui pourrait cependant inverser la tendance du dollar fort: on le sait, l’hégémonie du dollar américain augmente la puissance d’importation vers les États-Unis et diminue à l’inverse la compétitivité du pays à l’exportation. Conséquence directe: la base industrielle des États-Unis se détériore au fil des années en raison notamment du dollar fort. En conclusion, la diversification des banques centrales fortes à l’international et des processus de paiement (qui ne seraient plus l’apanage exclusif du dollar américain) serait certes mauvaise pour “USA the Empire” mais positive pour “USA the Country”.