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Dure réalité ?

L’effondrement des marchés en fin d’année dernière a eu de quoi surprendre dans un contexte de croissance économique supérieure à la tendance dans les grands blocs, de pressions inflationnistes timides et d’expansion des bénéfices des entreprises.

Les actions mondiales ont connu la perte annuelle (ajustée de la volatilité) la plus importante depuis la crise financière mondiale il y a dix ans, terminant l’année sur le pire mois de décembre de leur histoire. Les bons du Trésor américain ont enregistré une performance négative pour la cinquième fois seulement en 30 ans, tandis que le crédit investment grade a réalisé sa plus mauvaise performance depuis la fin des années 1990.

Les marchés des actions et des obligations ont suivi une évolution baissière remarquablement synchrone à mesure que le choc des taux d’actualisation se propageait à l’ensemble du système financier. De manière générale, à la mi-janvier, les marchés d’actifs semblent anticiper une récession économique au cours de l’année à venir avec un taux de probabilité de 50%.

Les théories sur ce qui a pu donner lieu à ces résultats dignes d’une récession ne manquent pas, étant donné que les données effectives et les prévisions, y compris les nôtres, pointaient vers un faible risque de contraction économique. (Alors que la paralysie prolongée de l’administration américaine augmente d’autant les risques de fléchissement de la croissance, il faut y voir davantage un choc exceptionnel que le catalyseur d’un ralentissement majeur.) Ces théories portent notamment sur les risques géopolitiques (guerres commerciales et Brexit), l’arrivée à maturité des politiques monétaires, l’accroissement du risque d’affaiblissement des économies à mesure qu’approche la fin du cycle, ou encore un ralentissement plus marqué que prévu du fait du resserrement des conditions monétaires. Mais, pour paraphraser Albert Einstein, la théorie peut parfois s’éloigner (sensiblement) de la réalité. Examinons ces facteurs un à un.

Risques géopolitiques

Les risques géopolitiques empruntent des directions différentes: la menace de guerre commerciale perd quelque peu en intensité, alors que le Brexit demeure une préoccupation majeure. Les différends commerciaux agissent comme un impôt sur la productivité, avec d’importantes perturbations à prévoir au niveau des chaînes d’approvisionnement souvent fortement intégrées. Nous restons convaincus que la situation va s’apaiser car il s’agit là d’un jeu à somme nulle à tous égards. Par conséquent, nous prévoyons une certaine revalorisation des actions asiatiques (et japonaises en particulier) avec de solides primes à la clé. Ainsi, les valeurs japonaises se négocient à un PER prévisionnel qui se situe dans le premier centile le plus bas depuis 15 ans, soit un niveau cohérent avec une crise économique que même les observateurs les plus prudents n’anticipent pas.

En revanche, le Brexit constituera sans doute le principal moteur des performances des six prochains mois pour les investisseurs en livre sterling.

Nous attribuons une probabilité de 60% à une sortie ordonnée, tandis que les 40% restants se répartissent entre une modification de l’article 50 et un scénario «no deal».

Paradoxalement, une sortie sans accord dégagerait des bénéfices démesurés pour les expositions non couvertes du point de vue de la livre, tandis qu’une issue moins radicale produirait une baisse d’ampleur comparable.

Politique monétaire

Dans le même temps, l’orientation de la politique monétaire revêt une grande importance pour les valorisations de manière générale, et c’est également un facteur central pour le risque de récession mentionné ci-dessous. Le récent changement de ton de la Réserve fédérale, notamment de la part de ses membres les plus déterminés, a désamorcé les craintes d’un resserrement monétaire sensible. En effet, les marchés n’anticipent désormais plus qu’une demi-hausse des taux au cours de l’année alors qu’ils en attendaient encore trois au mois de novembre. Le marché de l’emploi est tendu, mais les conditions financières le sont tout autant et jusqu’à présent, dans la mesure où les marchés ont fait une partie des devoirs de la Fed, un cap plus prudent pourrait être jugé plus approprié. Tout bien considéré, nous estimons que le resserrement progressif se poursuivra, ajoutant une pression supplémentaire sur les épaules des marchés obligataires. Dans ce domaine, une bonne partie du chemin a déjà été parcourue: même le resserrement quantitatif serait aux trois quarts terminé (les achats de la banque centrale sur une période glissante de 12 mois ont atteint leur point culminant début 2017 et dès lors que la fin du resserrement quantitatif implique 0 achats, 75% du chemin a donc déjà été parcouru). Ceci étant dit, la pentification abrupte de la courbe de Phillips est un risque que nous surveillons étroitement.

Risque de récession

Enfin, il y a le risque de récession, qui façonne les bénéfices, la politique et la couverture des intérêts. Nous ne pensons pas que les cycles conjoncturels prennent fin parce qu’ils ont duré trop longtemps, mais plutôt parce qu’un resserrement de la politique monétaire est nécessaire pour maintenir l’inflation ou l’endettement sous contrôle. Or, ni l’un ni l’autre ne constituent actuellement une préoccupation majeure. Bien que cet avis soit largement partagé par la Fed, la situation n’en reste pas moins complexe. Ainsi, les stéroïdes budgétaires injectés dans une économie déjà lancée à plein régime en 2018 pourraient inciter la Fed à resserrer sa politique davantage que ce que suggère l’environnement.

D’un autre côté, des économistes tels que Brad DeLong ou Claudio Borio avancent des arguments convaincants lorsqu’ils expliquent pourquoi la faiblesse des marchés financiers peut, tel un cercle vicieux, alimenter celle du cycle des affaires. Toutefois, le passé bien réel montre que 60% des corrections majeures du marché actions américain depuis la Seconde Guerre mondiale ont envoyé de faux signaux de récession.[1]

Nos prévisions et celles du consensus convergent vers une croissance économique plus lente mais supérieure à la tendance dans la plupart des régions, soutenant une augmentation des bénéfices de l’ordre de 5%.

Positionnement

Conformément à nos principales convictions présentées plus haut, le risque de récession semble quelque peu surestimé. Depuis notre dernier commentaire mensuel, les portefeuilles multi-actifs se sont davantage aventurés sur les marchés actions asiatiques, à la fois au Japon et sur les marchés émergents asiatiques, pour capter les primes de risque les plus intéressantes. Nous avons également continué de renforcer notre exposition à la livre sterling au niveau des fonds en livre pour désensibiliser les portefeuilles des clients aux variations de valeur induites par le Brexit.

Maya Bhandari Février 2019
Notes

[1] JP Morgan, décembre 2018.

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