Si les investisseurs anticipent la fin du cycle de resserrement monétaire entrepris par les grandes banques centrales (Fed et BCE), la persistance d’une inflation plus élevée que prévu pourrait toutefois remettre en cause le relatif optimisme des marchés. Ce risque est à prendre en compte même si ce n’est pas le scénario principal retenu.
Comment les marchés ont réagi par rapport aux statistiques économiques au cours des derniers mois? La lecture de l’indice de surprise économique publié par Citi nous livre quelques enseignements. Ainsi, depuis le mois de mai, les données en zone euro, aux Etats-Unis et en Chine ont montré des réalités assez différentes. En Chine, ces données ont surpris en baisse, ce qui a entraîné une forte déception auprès des investisseurs et une sous-performance des actions chinoises. En zone euro, l’indice Citi est passé par un niveau historiquement négatif de mauvaises surprises avant de rebondir tout en restant en territoire négatif, ce qui signifie que les données continuent de décevoir par rapport aux attentes.
Enfin aux Etats-Unis, les chiffres économiques ont surpris à la hausse, alimentant le scénario d’un atterrissage en douceur de l’économie (soft landing), voire même d’un «no landing». La résilience de l’économie américaine a ainsi soutenu l’appétit pour le risque des investisseurs qui, tout en restant prudents, affichent une certaine sérénité et ne montrent aucun signe de stress selon notre indicateur de risque BFT IM.La volatilité action est ainsi restée basse, sous les 20%, et l’amplitude de variation quotidienne du taux 10 ans allemand revient vers les 5 points de base comme c’était le cas avant la guerre en Ukraine, commencée en février 2022. Il faut noter toutefois que la saison des résultats des entreprises a dévoilé en octobre une certaine nervosité des investisseurs qui ont sanctionné parfois très durement des entreprises européennes qui n’avaient pas atteint leurs objectifs.
Cette bonne tenue de la première économie mondiale a orienté les flux d’investissement vers les actifs les plus risqués, les actions, depuis le mois de mai. Les obligations (souveraines et crédit Investment Grade) restent également privilégiées par les investisseurs qui retrouvent l’attrait des actifs à rendement suite à la hausse des taux. Cet attrait semble même renforcé par la perspective de la fin du resserrement monétaire de la BCE et de la Fed. En effet, si les taux ne montent plus, l’environnement devient favorable pour capter ce rendement sans subir l’impact négatif de la hausse des taux sur les valorisations des obligations.
Une hausse des taux probablement achevée mais sans perspective de baisse rapide
Ainsi, une majorité d’investisseurs pensent aujourd’hui que la Fed a fini de remonter ses taux alors que, très récemment, ils étaient encore nettement minoritaires. La hausse des Fed funds du 26 juillet pourrait donc avoir été la dernière. Du côté de la BCE, Christine Lagarde a également laissé entendre que la hausse de septembre était probablement la dernière après toutefois une hausse cumulée de 450 points de base. L’institution basée à Francfort préfère ajuster sa politique monétaire par la durée de maintien des taux à ce niveau plutôt que par un relèvement supplémentaire de ses taux directeurs.
Dans ce contexte, le principal risque scruté par les marchés reste celui d’une inflation élevée qui pousserait les banques centrales à demeurer restrictives. Si celles-ci ne peuvent pas assouplir les conditions financières pour s’ajuster au ralentissement qui s’annonce à cause d’une inflation élevée, le ralentissement n’en sera que plus sévère. Dans ce cas, plus de «soft landing», encore moins de «no landing», et les actifs risqués devront s’ajuster à la baisse.
Alors, comment cette inflation pourrait-elle rester élevée? Même si le scénario principal montre une poursuite de la baisse de l’inflation, les raisons pour une baisse plus lente ne manquent pas. Les prix du pétrole sont restés très volatils ces derniers mois et pourraient être impactés par un retour des tensions géopolitiques. Le marché de l’emploi reste solide et pourrait également freiner la correction de l’inflation avec des pressions salariales soutenues.