Le 16 novembre 2022, l’avion Voyager de la Royal Air Force (RAF), l’équivalent militaire de l’Airbus A330, a survolé le ciel de l’Oxfordshire pendant plus de 90 minutes. Ce qui ressemblait de prime abord à un banal vol d’essai s’est révélé être une innovation révolutionnaire. La raison? Il s’agissait du premier vol d’un avion de transport militaire au monde, ainsi que le premier au Royaume-Uni tous types d’avions confondus, à être effectué à 100% avec du carburant d’aviation durable.
Qu’est-ce qu’un carburant renouvelable?
Les biocarburants renouvelables à base d’hydrocarbures (également appelés biocarburants verts ou «drop-in») sont des carburants produits à partir de sources de biomasse par divers procédés biologiques, thermiques et chimiques. Chimiquement, ces produits sont identiques à l’essence, au diesel, ou au kérosène[1].
En d’autres termes, les carburants renouvelables constituent une source d’énergie chimiquement identique aux combustibles fossiles, mais produite à partir de déchets ménagers, commerciaux, ou issus de l’agriculture (voir l’illustration 1 ci-dessous).
Illustration 1: Conversion des déchets en énergie
Pourquoi cet engouement?
Les carburants renouvelables, tels que le diesel renouvelable et le carburant d’aviation renouvelable, peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 80 à 90% par rapport aux combustibles fossiles[2]. Et comme leurs émissions sont plus propres, les filtres des moteurs s’encrassent plus lentement, diminuant la fréquence d’entretien. De plus, étant donné que les matières premières sont des huiles de cuisson usagées, des huiles végétales, des déchets de transformation et des déchets issus des graisses animales, la production de ces combustibles génère moins de biodéchets, ce qui diminue ainsi les émissions des sites d’enfouissement.
Ces avantages font des combustibles renouvelables un composant clé de l’économie circulaire. Historiquement, les êtres humains ont largement utilisé les ressources naturelles dans un modèle linéaire. À l’inverse, le modèle circulaire génère beaucoup moins de déchets et vise à utiliser le recyclage autant que possible (voir l’illustration 2 ci-dessous).
Illustration 2: L’économie circulaire
L’aspect le plus prometteur des carburants renouvelables est la rapidité avec laquelle ils peuvent avoir un impact. La raison pour laquelle on les qualifie de carburants «drop-in» est qu’ils peuvent remplacer les carburants fossiles dans les moteurs à combustion interne avec peu ou pas de modifications. Ainsi, si l’approvisionnement est suffisamment abondant, les moyens de transport qui ne peuvent pas être facilement électrifiés, comme les poids lourds, les navires et les avions, peuvent être convertis aux carburants renouvelables, améliorant considérablement leur empreinte écologique. Selon BP, «Un ticket en classe économique d’un vol retour de Londres à San Francisco possède une empreinte carbone d’environ 1 tonne d’équivalent CO2. Étant donné que le nombre de passagers transportés par l’industrie aéronautique devrait doubler pour atteindre 8 milliards d’ici 2050, il est essentiel que nous agissions pour diminuer les émissions de carbone des avions.»
Le défi
Les combustibles renouvelables ou les biocarburants en sont encore à leurs débuts. Cela signifie que l’obstacle évident à franchir est la compétitivité des coûts par rapport aux énergies fossiles. Les estimations de ces coûts varient, mais les chiffres de l’association internationale du transport aérien (IATA) sont utiles pour obtenir une approximation. En mai 2022, l’IATA a déclaré que le prix moyen du kérosène dans le monde est d’environ 4,15 $ par gallon (soit environ 1,10 $/litre), tandis qu’aux États-Unis, le prix moyen pour un gallon de kérosène durable est d’environ 8,67 $.
Cela correspond environ à deux fois le prix de la technologie polluante actuelle. Cela n’est pas un mauvais point de départ. Compte tenu de la rapidité avec laquelle le coût du stockage de l’énergie dans des batteries a baissé au cours de la dernière décennie, les carburants renouvelables pourraient devenir compétitifs rapidement si des investissements suffisants et des économies d’échelle sont réalisés. L’IATA estime également que la part des carburants renouvelables pourrait représenter 2% de tous les carburants aéronautiques d’ici 2025, ce qui pourrait constituer un moment charnière dans leur compétitivité.
Les entreprises agissent
Les entreprises poursuivant leurs propres objectifs du net zéro ont déjà commencé à utiliser des carburants renouvelables pour diminuer leurs déchets. Darling Ingredients Inc, qui produit sa marque Diamond Green Diesel à partir de graisses animales recyclées, d’huile de maïs non comestible et d’huile de cuisson usagée, a été choisie par la chaîne de restauration rapide Chick-fil-A en mars 2022 pour transformer son huile de cuisson usagée en carburant propre pour les transports.
De même, McDonald’s a conclu un partenariat avec Neste Corporation en 2020 pour transformer ses huiles végétales usagées en diesel renouvelable et alimenter les camions qui effectuent les livraisons dans ses restaurants. Selon TortoiseEcofin, Darling Ingredients et Neste possèdent une empreinte carbone nette négative, car les émissions produites par ces entreprises sont inférieures aux émissions évitées grâce à leurs carburants renouvelables[3].
Derniers mots
À eux seuls, les combustibles renouvelables ne peuvent pas lutter contre le réchauffement climatique. Aucune solution unique ne peut y parvenir. Mais ils peuvent nous aider à accomplir des progrès majeurs. Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC) souligne à quel point il est crucial que le monde réduise de moitié ses émissions de gaz à effet de serre au cours de cette décennie pour avoir au moins une chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5oC. Cela signifie que les solutions à effet immédiat ont un rôle important à jouer. Les biocarburants peuvent réduire les émissions provenant des décharges et offrir des alternatives beaucoup plus propres aux combustibles fossiles. Ceci afin d’accélérer les efforts de décarbonisation dans le monde. Ils n’ont pas besoin de moteurs spécifiques pour devenir utiles. Ils ont juste besoin de fonds pour une implémentation à grande échelle.[4]