De l’importance de l’engagement et de la capacité de décision
Voici les raisons pour lesquelles nous pensons que les gérants actifs avec une approche bottom-up sont plus à même d’évaluer les sociétés dans lesquelles ils investissent.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la gestion active et la gestion passive ces dernières années - et nous avons débattu de cette question. Ce débat s’est presque uniquement focalisé sur la performance relative et sur les facteurs qui la stimulent. Un aspect important de ce débat qui ne revient pas très souvent porte sur l’engagement des actionnaires, et il en est absent, à mon avis, parce que nous pensons que l’engagement est l’une des valeurs ajoutées les plus essentielles en faveur de la gestion active et constitue un atout majeur pour les investisseurs afin de générer de la valeur sur le long terme.
L’engagement est essentiel. Et parce qu’il requiert une prise de décision bien informée, l’expérience dans l’évaluation des entreprises est vitale.
Profondeur et qualité
Les investisseurs passifs argumentent que, parce qu’ils ne peuvent pas vendre, ils sont nécessairement investisseurs à long terme. Ils soulignent souvent que les gérants actifs qui n’apprécient pas la direction prise par une entreprise peuvent simplement céder le titre.
Bien que cela puisse être vrai pour certains investisseurs, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres. Chez Neuberger Berman, nos gérants investissent dans une entreprise parce qu’ils reconnaissent la qualité et la valeur ajoutée des produits ou services qu’elle développe et ils veulent que leurs clients et les autres actionnaires en bénéficient tout autant. Contrairement à un investisseur passif qui est obligé de conserver une société, notre intention est de conserver une société en portefeuille dès le premier jour, ce qui implique un suivi constant des évaluations de celle-ci. En d’autres termes, l’historique compte, mais rien de tel que de travailler régulièrement avec des sociétés, en particulier sur une longue période. Nous ne commençons pas à creuser uniquement lorsque nous prenons conscience que peut-être quelque chose ne va pas, mais aussi dès que nous constatons que l’équipe de direction hésite sur sa capacité à délivrer de la valeur sur le long terme, et nous nous engageons alors auprès d’eux. De notre point de vue, vendre un titre, c’est laisser derrière soi une valeur potentielle irréalisée, et nos gérants n’aiment pas faire cela.
De plus, nous pensons qu’en réalité les investisseurs passifs investissent pour investir. Les grands gérants passifs n’ont pas les ressources nécessaires pour s’engager véritablement auprès d’une entreprise ou pour porter des jugements sur la qualité et le succès de son équipe managériale. Ils emploient des équipes relativement petites pour des rôles «d’intendance», privilégiant le plus souvent le processus de vote par procuration lors des assemblées générales. Bien que nécessaire, cet événement ne se produit généralement qu’une fois par an et est souvent centré sur des enjeux immatériels qui sont très éloignés de ce qui est requis pour comprendre réellement si une société est dirigée de manière efficace.
Je vous invite à comparer ce petit nombre de participations via procuration à celles réalisées par des centaines de gérants et d’analystes, pour la plupart avec des dizaines d’années d’expérience dans l’analyse des entreprises et des industries, déployés par une société telle que Neuberger Berman.
Ne vous méprenez pas. Nous nous intéressons au processus de procuration, en particulier pour les élections des membres du conseil de direction. Ce que je veux dire c’est que bien que ce soit nécessaire, ce n’est pas suffisant.
Responsabiliser le conseil d’administration et la direction
A qui rendront compte les équipes managériales si ce n’est aux gérants actifs?
Les investisseurs passifs, étant donné les flux des dernières années, détiennent maintenant des parts plutôt importantes dans la plupart des entreprises cotées en bourse, souvent de l’ordre de 15% à 20%. Ajoutez à cela les stratégies actions quantitatives, qui montrent également peu d’intérêt pour l’engagement direct auprès des entreprises, et vous allez découvrir le problème.
Par exemple, existe t-il un sujet plus important pour les actionnaires que les choix concernant l’allocation du capital d’une société? Ce sujet n’est presque jamais abordé dans une déclaration de proxy-voting. Et la composition de l’équipe dirigeante? Bien que ce sujet figure effectivement sur la déclaration de proxy-voting, qui évalue l’expérience et l’expertise des personnes qui représentent directement les intérêts des actionnaires?
Qu’en est-il des autres enjeux tels que les responsabilités sociales et environnementales des entreprises? Récemment, nous avons assisté à un débat sur les investisseurs actionnaires des entreprises cotées dans la production d’armes: Olin Corp, American Outdoor Brands, Sturm, Ruger & Co, et Vista Outdoor. Les fonds communs et les UCITS de Neuberger Berman ne détiennent pas de positions acheteuses dans ces producteurs d’armes. Les investisseurs passifs détiennent des parts dans ces sociétés – ils y sont contraints. Mais ce n’est que récemment qu’ils ont commencé à «s’engager» auprès d’eux – ce qui veut généralement dire envoyer de simples questionnaires. Je crois que c’est la vision qu’ont les investisseurs passifs de «l’engagement».
Evaluer si une société est bien dirigée – ainsi qu’évaluer la responsabilité de l’équipe de direction lorsque ce ne n’est pas le cas – nécessite un diagnostic, pas un questionnaire. Nous pensons que les gérants actifs avec une approche bottom-up fondamentale mettent à profit leurs dizaines d’années d’expérience et d’expertise sectorielle et sont parmi les rares acteurs des marchés financiers qui soient réellement informés sur ces aspects relatifs aux entreprises.
Quand on en vient à la responsabilité de la direction d’une société, à la fois pour le bénéfice des actionnaires et la durabilité environnementale et sociale, l’engagement et le jugement sont importants – et nous sommes certains qu’on ne récolte que ce que l’on sème.